Les violences conjugales sont un sujet de politique publique, sur lequel il y a urgence à agir. Ce n’est pas de la sphère privée. Guillaume Gouffier-Cha a rappelé l’importance d’aller à la rencontre des acteurs et des personnes concernées en premier chef pour que les propositions des législateurs correspondent le mieux aux urgences du terrain.
Sur les violences conjugales, la tolérance diminue enfin. Les actions de communication autour du Grenelle amènent de plus en plus de victimes à dénoncer les violences qu’elles subissent depuis bien longtemps.
Le préfet Raymond Le Deun a rappelé dans son introduction quelques chiffres. Le Val-de-Marne est le quatrième département en nombre de signalements au 3919, à ce jour 2652 signalements, soit + 15% par rapport à l’année dernière. Trois groupes de travail ont été mis en place à la préfecture dans le cadre du Grenelle :
Assia Benziane en tant que maire adjointe aux droits des femmes accueille les femmes violentées qui viennent bien souvent de plus loin que Fontenay-sous-Bois, malgré le conseil qu’on lui avait donné de ne pas recevoir toutes les femmes victimes, au risque d’être maladroite et de heurter. Depuis, toutes les personnes en charge de l’accueil à la mairie de Fontenay-sous-Bois ont été formées à l’accueil de personnes victimes avec le centre Hubertine Auclert. Les partenariats sont forts avec l’association Home pour l’hébergement d’urgence et Femmes solidaires pour l’accompagnement.
Elle regrette le faible maillage sur cette question dans les villes du Nord du Val-de-Marne : très peu de villes ont une délégation aux droits des femmes, les femmes sont perdues et ne savent vers qui se tourner.
L’accueil est malheureusement encore très aléatoire dans les commissariats, en raison du turn over bien souvent. Des relations interpersonnelles permettent souvent de faciliter les dépôts de plainte et le suivi des affaires.
Le plus compliqué c’est la suite, après la plainte, que ce soit les places prioritaires en matière d’hébergement, le temps de la justice, le suivi psychologique des femmes : un travail en cours avec une psychologue de Fontenay.
La ville de Fontenay a mis en place un observatoire des violences faites aux femmes. C’est aujourd’hui la ville où il y a le plus de signalements, certainement en raison d’une meilleure communication. A Fontenay, il est plus facile pour les femmes violentées de demander de l’aide en toute confiance.
Ghada Hatem, en tant que gynécologue, s’intéresse à la santé des femmes en tant que gynécologue. Elle connaît l’impact de la violence conjugale sur les maladies chroniques, sur la psyché, le syndrome de choc post traumatique.
Pour elle, ce qui manque aujourd’hui pour les femmes victimes de violences conjugales, c’est la coordination : il est très difficile de prendre en charge sa santé, son logement, son avocat, ses enfants, etc.
La maison des femmes est un lieu de prise en charge globale, où les femmes font le point sur leur santé physique, obtiennent les certificats légaux nécessaires aux procédures, rencontrent des avocats, des policiers bénévoles, sont accompagnées… On y voit les femmes aller de mieux en mieux.
Ghada souhaite faire part de son inquiétude dans le cadre du Grenelle pour les enfants élevés dans ces familles. Ils deviendront victimes ou agresseurs s’ils ne sont pas accompagnés, soignés, pris en charge. La prévention est primordiale. Tout comme mettre fin à l’autorité parentale conjointe dans le cadre de violences conjugales, afin que l’enfant ne soit pas le lien entre la victime et l’auteur.
« On passe notre temps à stresser alors que l’on n’a rien à se reprocher »
« Depuis le départ il me disait qu’il allait me défigurer, il l’a fait »
« Ce n’est pas aux enfants de protéger leur mère »
« J’aimerais retrouver un peu de dignité »
Al. a fait part de l’isolement qu’elle a connu dans son parcours, suite aux violences commises par son père et son ex compagnon, et l’anorexie qu’elle a développée en conséquence.
Aujourd’hui elle souhaite que les femmes dans son cas ne soient plus jamais seules.
Ly., après 8 ans de combat, n’a jamais été reconnue dans son statut de victime. Son bourreau a toujours l’autorité parentale conjointe pour son enfant né d’un viol conjugal.
Au tribunal civil, très peu de reconnaissance des violences conjugales, les procédures sont beaucoup trop longues. La co-parentalité est la norme imposée. Après avoir réussi à sortir de l’emprise du conjoint, on n’arrive pas à sortir de l’emprise institutionnelle.
Le traitement judiciaire devrait se soumettre à un protocole pour ne pas mettre plus en danger les victimes, et notamment les enfants, selon le principe de précaution. La non présentation d’un enfant peut être une manière de protéger l’enfant. Mais elle place la victime dans la situation d’être alors attaquée en justice par son ex-conjoint agresseur. Une situation particulièrement terrible alors.
Selon elle, les logements de mise à l’abri en collectif ne conviennent pas à toutes, parfois dangereux car il oblige à l’isolement, à ne pas recevoir ses proches. Chaque commune devrait pouvoir avoir un hébergement ponctuel.
So, ingénieure dans un grand groupe, souligne que les violences conjugales touchent toutes les classes sociales. Son ex conjoint s’est métamorphosé après avoir eu un titre de séjour de dix ans. Malgré les menaces de mort, la maltraitance, elle a eu du mal à déposer plainte au commissariat. Elle n’a pas pu avoir de confrontation avec l’auteur car le rendez-vous était prévu au même moment que celui à l’UMJ… Aujourd’hui elle est en procédure d’annulation du mariage.
Elle n’en a pas parlé en revenant au travail. Mais elle a été très bien épaulée par sa direction une fois qu’elle a eu le courage d’en parler. Elle a pu voir le médecin du travail et la psychologue une seule fois. Le monde de l’entreprise a aussi un rôle à jouer, dans l’accompagnement. Un guide et pense bête seraient utiles, car on ne sait pas qui aller voir. Des spot publicitaires aussi.
Fl. a quitté le père de ses enfants en 2010. Malgré ses 8 jours d’incapacité totale de travailler, son agresseur n’a eu que 1000 euros d’amende. La garde classique a été maintenue pendant trois ans, alors que les enfants étaient malades deux jours avant et deux jours après. En cas de non présentation d’enfants, pour les protéger, l’agresseur peut porter plainte…
Aujourd’hui ses enfants sont gravement malades suite aux sévices de leur père, mais il n’y a pas de prise en charge des soins des enfants victimes de violences conjugales.
Elle a fait plusieurs tentatives pour déposer plainte. Aujourd’hui elle accompagne les femmes au commissariat
Gu. a témoigné de la situation de sa copropriété où deux hommes tapent des femmes, régulièrement. Ils sont témoins, 4 enfants sont en danger, mais ils ne savent pas comment agir. Les voisins savent.
Al. a connu des violences de la part de son ex mari sportif professionnel. Le plus grand danger est quand on a porté plainte. Le Grenelle a aussi pour conséquence que plus de femmes vont vouloir parler et sortir de la violence. Il va falloir plus de moyens. Une femme victime de violence, d’autant plus avec des enfant n’ira pas toujours dans un logement collectif.
Aude Leroy, directrice de Femmes solidaires association militante féministe laïque à Fontenay sous-Bois, souhaite l’homogénéisation des pratiques dans les commissariats. Cela passe par la formation des policiers, notamment à l’écoute, pour faire en sorte que les femmes soient dans la confiance, et dans la confidentialité. L’articulation entre la justice civile et la justice pénale est à améliorer.
Il est urgent que dès la première plainte, il y ait la possibilité de ne plus présenter les enfants au conjoint violent, car cela les met en danger.
Un point noir est l’accompagnement des femmes migrantes.
La prise en charge globale de la femme dans son corps, psychologique et physique est nécessaire : des maisons des femmes seraient utiles partout sur le territoire, et notamment en milieu rural où les femmes vivent des choses encore plus terrifiantes et dans un silence absolu.