Nous soutenons les combats menés par ces associations et ces militants dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Toutefois nous regrettons et ne comprenons pas cette prise de position au sujet de ce texte. C’est pourquoi, nous tenons à revenir non seulement sur la teneur de la loi votée mais également sur l’état d’esprit avec lequel nous avons mené les travaux parlementaires, loin des approximations et mensonges véhiculés depuis plusieurs semaines, notamment sur les réseaux sociaux.
Non, cette loi n’a pas été “votée en catimini” comme l’affirment certains. Tout au contraire, elle est le fruit d’un long travail de co-construction. Outre la grande concertation initiée par le gouvernement avec le tour de France de l’égalité, de multiples travaux ont précédé les débats parlementaires. Ainsi, nous avons auditionné dans le cadre des travaux préparatoires de nombreux professionnels, responsables associatifs, magistrats, médecins, avocats etc.
Oui, c’est une loi de progrès car elle allonge la durée de prescription qui permet désormais au ministère public d’engager des poursuites contre un auteur présumé de viol sur mineur jusqu’aux 48 ans de la victime contre 38 ans auparavant. Cette mesure prend en compte différents phénomènes, dont l’amnésie traumatique, pour laisser aux victimes le temps nécessaire pour parler et être entendues.
Oui, c’est une loi de progrès car elle sanctionne enfin les raids numériques dont les premières cibles sont les enfants et particulièrement les collégiens et lycéens. Combien d’enfants seuls derrière leur écran de téléphone ou d’ordinateur ont été marqués à vie par un déferlement de messages humiliants ou menaçants?
Oui, c’est une loi de progrès car elle réprime pour la première fois de notre histoire le premier degré des violences sexistes : l’outrage sexiste qui prend le plus souvent la forme du harcèlement de rue et dont les enfants peuvent aussi être victimes.
Oui, c’est une loi de progrès car elle sanctionne plus sévèrement les auteurs de violences conjugales qui se livrent à ces violences en présence de mineurs, car un enfant témoin de violences est toujours un enfant victime. Cette mesure avait été à très juste titre sollicitée par les associations.
Oui, c’est une loi de progrès car elle accentue la répression des délinquants qui administrent des drogues à leurs victimes pour commettre des agressions sexuelles ou des viols.
Oui, c’est une loi de progrès car elle permet de combler plusieurs vides juridiques, comme la captation d’images impudiques, aussi appelée upskirting et qui pourra désormais être poursuivie par la justice et être punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.
Les détracteurs de la loi Schiappa-Belloubet n’évoquent quasiment aucune de ces mesures mais concentrent leurs griefs sur l’article 2 de la loi. Cet article fait écho aux tristement célèbres affaires de Pontoise et de Meaux pour lesquelles la qualification de viol n’avait pas été retenue. Les juridictions n’avaient pas considéré que le jeune âge des victimes (11 ans) suffise à caractériser la contrainte ou la surprise.
Or, il faut savoir qu’avant l’adoption de cette loi, la définition du crime de viol et du délit d’agression sexuelle ne comportait aucune spécificité relative aux mineurs de moins de 15 ans.
Ainsi, le juge devait rechercher l’existence d’une contrainte, menace, surprise ou violence sans toutefois être tenu légalement de prendre en compte la vulnérabilité des jeunes mineurs.
La loi prévoit désormais un âge seuil que la juridiction doit prendre en compte. Le texte est clair : “Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes”. Si une juridiction s’affranchissait de cette disposition, son jugement ou arrêt serait invalidé.
En réalité, les opposants à cette loi souhaitaient que nous mettions en oeuvre une présomption de non consentement. Cette proposition qui a été très longuement étudiée et discutée n’a pas été retenue et ce pour deux raisons :
Les débats autour de cette présomption traduisent semble-t-il une certaine défiance à l’égard du juge qui garde une marge d’appréciation. Toutefois, pas un dossier ne ressemble à un autre et aucune victime n’est comparable à une autre. Le juge doit pouvoir apprécier en conscience chaque situation dans sa spécificité dans l’intérêt même des victimes.
L’enjeu pour les législateurs que nous sommes et pour les juges saisis de ces faits est de concilier la nécessaire protection des victimes et le respect des droits et libertés fondamentaux.
Enfin, si cette loi constitue une pierre angulaire de la protection des victimes de violences sexistes et sexuelles, nous continuerons bien évidemment à rester mobilisés pour avancer sur ce sujet en nous impliquant non seulement dans l’évaluation de cette loi mais également sur tous les sujets permettant une meilleure protection des mineurs.
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