Cette attaque contre la République vient nous rappeler, cinq ans après les attentats de janvier et novembre 2015, après Charlie Hebdo et le Bataclan, après l’assassinat du père Hamel et de deux policiers à leur domicile, après la tuerie de la promenade des Anglais à Nice, que notre lutte contre l’islamisme radical est toujours bien d’actualité. Dans cette guerre contre cette nouvelle forme de totalitarisme obscurantiste, nous avons déployé plusieurs milliers de nos militaires sur des opérations de guerre extérieures au Moyen-Orient et dans la bande Sahélo-Sahélienne, mais aussi sur notre territoire avec l’opération Sentinelle. Nous renforçons nos effectifs de police et de gendarmerie. Nous augmentons considérablement tous les effectifs de nos services de renseignement, ainsi que leurs moyens et les outils juridiques auxquels ils peuvent recourir pour traquer celles et ceux qui veulent s’en prendre à notre démocratie, à notre mode de vie, à notre liberté de penser. Nous nous sommes collectivement mobilisés car nous ne céderons rien face à ces fanatiques. Cette mobilisation nous a permis de déjouer un grand nombre d’attentats au cours des cinq dernières années. Trente-quatre attentats ont été déjoués depuis l’élection d’Emmanuel Macron. J’écris cela ici car nous ne devons jamais oublier la réalité des efforts qui sont les nôtres dans la lutte contre le terrorisme islamiste depuis plusieurs années maintenant. La réalité à laquelle nous sommes confrontés est difficile et notre mobilisation est déjà importante, même si nous devons encore l’amplifier.
Malheureusement le risque zéro n’existe pas. Et ce vendredi 16 octobre, alors qu’élèves et professeurs se disaient au revoir pour les vacances de la Toussaint, un enseignant de l’école de la République, Samuel Paty, a été tué parce qu’il avait fait son métier, celui d’apprendre à ses élèves ce qu’être libre veut dire, ce que la liberté d’expression signifie et à quel point elle est importante dans notre pays. Un acte d’une barbarie sans nom, expression d’un obscurantisme profond qu’il nous faut totalement combattre. Les questions qui se posent sont aujourd’hui nombreuses. Comment le meurtrier, un jeune homme de 18 ans, s’est-il radicalisé ? Qui l’a influencé ? A-t-il agi seul ? Quelle est la responsabilité des parents d’élèves et des personnes qui se sont élevés contre les enseignements de Samuel Paty et donc, à travers lui, contre l’école de la République ? Pourquoi les signalements des critiques émises contre l’enseignant n’ont pas été pris davantage au sérieux ? Pourquoi n’ont-ils pas donné lieu à une surveillance et une protection de l’enseignant et de l’équipe pédagogique ? Quel rôle ont joué les réseaux sociaux dans ce terrible meurtre et cette attaque contre notre démocratie ?
La justice fera bien entendu son travail afin que les différents niveaux de responsabilité soient établis et que les condamnations adéquates soient prises. Mais au-delà, la gravité symbolique de cette attaque envers notre République nous impose une réflexion plus large sur le renforcement de notre combat contre l’islamisme radical. Une loi renforçant la laïcité et confortant les principes républicains sera prochainement présentée en Conseil des ministres. Elle contiendra des mesures importantes pour mieux lutter contre les dérives religieuses et sectaires, contre toutes les formes de séparatisme. Pour renforcer la portée de cette loi, nous devons d’ores et déjà nous poser plusieurs questions concernant les outils à mettre en place pour mieux lutter contre le terrorisme islamiste. D’abord, comment renforcer la protection de nos professeurs qui depuis plus de trente ans voient sans cesse monter les contestations obscures de certains élèves et parents d’élèves ? Dans ce cadre-là, les cours d’éducation civique et d’histoire-géographie doivent être renforcés. Mais nous devons aussi trouver les bons outils pour sanctionner les adultes qui contestent ces cours et donc notre République.
Après, comment renforcer le contrôle des réseaux sociaux, des propos haineux et racistes qui y sont tenus, des stratégies d’attaque en groupe qui s’y construisent ? Nous avions commencé ces travaux cette année avec la loi Avia, nous devons aujourd’hui les reprendre et aller plus loin. Nous ne pouvons pas laisser plus longtemps ces outils numériques en dehors des lois de la République. Par ailleurs, un chantier reste devant nous. Il s’agit de l’organisation du culte musulman en France, de la formation des Imams et de leur nomination. Aujourd’hui, ne nous leurrons pas, les islamistes profitent de la désorganisation du culte musulman pour bien souvent prendre la main sur des âmes sensibles, égarées ou perdues. Nous devons reprendre ce chantier comme nous nous y étions engagés lors de la campagne présidentielle de 2017. C’est l’un des meilleurs moyens pour lutter contre les pseudo-prédicateurs radicalisés qui instrumentalisent une religion, l’Islam, pour satisfaire leurs haines et leurs colères, leurs envies de destruction de notre société.
Enfin, au-delà de ces débats à venir, nous ne devons jamais oublier que la première des choses que recherchent les terroristes islamistes c’est notre division, c’est notre abandon des valeurs que nous partageons, c’est de nous imposer la peur comme seul cadre de vie. Face à cela, nous devons tenir bon. Nous ne devons rien céder, nous ne devons pas les laisser gagner. Face à ces épreuves, nous devons rester unis et ne pas céder à la facilité des discours populistes qui sont sans solution. Nous devons plus que jamais porter haut et fort les valeurs de notre République, défendre la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous devons combattre ces obscurantistes dans le respect des règles de notre État de droit qui est notre bien le plus précieux. Nous devons continuer à défendre l’accès à la culture et au sport pour toutes et tous. Nous devons continuer à vivre libre et sans peur, à nous exprimer, à débattre, à caricaturer, à imaginer, à innover. Et comme Samuel Paty l’a fait, comme des milliers d’enseignants le font dans notre pays chaque jour, nous devons continuer à enseigner à tous les enfants de notre pays ce que devenir un citoyen libre signifie. Ils ne passeront pas.