Le Président de la République a annoncé la réforme de la haute fonction publique. Ni une nouveauté ni une surprise, cette réforme est une promesse de campagne que les deux prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont déjà tenté de mettre en œuvre sans succès. Dès l’élaboration de la loi de la transformation de la fonction publique dont j’étais le responsable de texte en 2019, nous avions commencé à bâtir la structure de cette réforme d’ampleur. Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques est venue le mercredi 26 mai présenter devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale, le projet d’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de l’Etat qui doit être présenté en conseil des ministres la semaine prochaine.
De nombreux pans de la haute fonction publique doivent être requestionnés : les modalités de concours, l’apprentissage, la diversité des profils des étudiants. L’audition est disponible en ligne. Le rapport de Frédéric Thiriez avait formulé des propositions pour moderniser notre action publique. De nombreuses solutions sont déjà proposées avec par exemple le programme « Talents du Service Public » qui pose la première pierre de la réforme en ouvrant plus largement le recrutement des hauts fonctionnaires dans une approche d’égalité des chances.
La création de l’Institut national du service public (INSP)
Une école, aussi prestigieuse soit elle, fondée il y a plus de 75 ans a nécessairement besoin de se renouveler. Et le renouvellement de l’ENA ne passera pas uniquement par un changement de nom. Du moins, ce n’est pas la ligne dans laquelle souhaite s’inscrire le Gouvernement et notre majorité. En réalité, je pense qu’il s’agit plutôt de la modernisation de l’ENA que de sa suppression. L’objectif de cette réforme est de sortir du système du corporatisme et de nommer des agents publics en fonction d’un métier, d’une mission et non plus pour un emploi à vie inamovible où le passage en cabinet ministériel reste l’un des seuls accélérateurs de carrière.
- La création d’un tronc commun pour les 14 écoles du service public au 1er janvier 2022 à Strasbourg permettra de mettre fin à une aristocratie d’Etat tant décrié et permettra une diversification des profils ;
- La création d’une culture commune entre tous les hauts fonctionnaires afin de favoriser une meilleure relation entre l’Etat et ses territoires et limiter la « déconnexion entre Paris et sa province » tant critiquée et mise en lumière à la suite de la crise des Gilets jaunes et de la crise sanitaire ;
- La création d’un corps unique d’administrateurs d’Etat qu’intègreront tous les élèves de l’INSP ;
- Une logique d’accompagnement des carrières et des mobilités afin de décloisonner les parcours et de permettre des mobilités entre les différents versants de la fonction publique. La formation des hauts fonctionnaires sera mieux adaptée et se fera tout au long de la carrière pour répondre aux aspirations et aux compétences de chacun et chacune ;
- Des liens favorisés avec le monde académique ;
- La création d’une délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’Etat (DIESE) : mise en œuvre des lignes directrices de gestion interministérielle destinée à la mise en cohérence des différentes politiques d’encadrement de chaque métier, filière pour chaque ministère afin que les administrateurs d’Etat aient une meilleure vision de leurs perspectives de carrières.
La substitution d’une logique de corps à une logique de métiers : la protection des institutions mais pas des corps
La réforme a comme but de renforcer la confiance entre les citoyens et l’Etat avec une haute fonction publique qui soit davantage à l’image de la réalité sociale et des territoires de notre pays. Les enjeux ont évolué, la France s’est décentralisé et l’action de l’Etat s’est déconcentrée, alors que les carrières au sein de l’Etat se sont rigidifiées.
- Suppression du corps préfectoral et des trois inspections générales : afin de combattre le déterminisme du classement de sortie, les élèves seront désormais affectés sur des fonctions opérationnelles, préfectorales, dans les administrations déconcentrées ou sur les réformes prioritaires du Gouvernement ;
- L’intégration dans les grands corps de l’Etat se fera à la suite de plusieurs années d’expérience comme administrateur d’Etat. Il est primordial que les hauts fonctionnaires se forment dans les territoires ;
- La suppression du corps préfectoral s’inscrit dans une logique d’organisation de parcours de carrière selon les métiers, les compétences qui ne doit plus se dicter par rapport à la seule appartenance à un corps.
Dernièrement, les tentatives de récupération politicienne de Marine Le Pen ou de Xavier Bertrand véhiculent un lot de fausses informations. La mise en place de cette réforme ne revient pas à une logique de spoil system à l’américaine ni à une ouverture totale à des contractuels – non statutaires – à venir de ces fonctions. L’objectif du Gouvernement n’est pas de déconstruire notre histoire nationale mais au contraire de l’adapter à notre avenir, aux besoins de nos jeunes générations. Force était de constater que ceux qui instrumentalisent le débat et tentent de fragiliser la République n’étaient pas présents à cette audition alors même que l’occasion était offerte pour un échange sur le sujet.