[TRIBUNE]
Doublons le Fonds Français Muskoka, faisons de la santé des femmes et des enfants en Afrique une grande priorité !
En terre rouge, les visages, les sourires et les parcours de vies se croisent sous nos yeux. Nous rencontrons ces lycéennes qui sensibilisent leurs camarades sur les menstruations, ces jeunes activistes qui accompagnent avec détermination chaque jour leurs communautés, ce ministre de la Santé gynécologue qui s’engage à dépénaliser l’avortement. Nous visitons les équipes de soignants qui font avec les moyens du bord pour sauver la vie des enfants nés prématurés ou pour accompagner les jeunes femmes dans leurs parcours de santé. La détermination et l’engagement des acteurs que nous avons rencontrés alors, des équipes du ministère de l’Europe et des affaires étrangères aussi, nous ne l’oublierons jamais.
Derrière ces actions que nous avons pu observer, il y a des femmes et des hommes unis autour d’une ambition : changer le quotidien pour sauver les vies de millions de femmes et d’enfants, pour donner des espoirs et des perspectives d’avenir à tant de personnes et, au fond, à l’humanité tout entière. Cette ambition a un nom, une organisation et une action : le Fonds Français Muskoka (FFM). C’est dans le cadre du contrôle de l’application de ce dispositif que nous, députés, nous sommes rendus sur le terrain au Bénin en février dernier.
Crée en 2010 par la France, en partenariat avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ONU Femmes, le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), ce programme s’est donné pour mission d’améliorer la santé des femmes, des nouveau-nés, des enfants et des adolescents en Afrique de l’Ouest et centrale. La France a déjà alloué près de 170 millions d’euros à ce fonds depuis sa création et a permis l’atteinte de résultats importants. À titre d’exemple, dans les pays d’intervention, ce sont 21 nouveaux nés qui décèdent toutes les heures. Grâce aux actions menées avec ses partenaires, le FFM a permis de réduire le taux de mortalité néo-natale de 15% et augmenter le taux d’accouchement assisté par un personnel qualifié autour de 22%. Cette réussite, nous la voyons à travers la mise en place de la méthode des mères kangourou pour sauver les nouveaux nés. Cette efficacité, nous la voyons aussi lorsque grâce au fonds, des millions de jeunes filles sont sensibilisées et accompagnées dans la gestion de l’hygiène menstruelle à travers la dotation de kits de serviettes périodiques lavables et réutilisables. Nous la voyons enfin, lorsque le FFM contribue à l’accès aux médicaments essentiels et à la contraception, ainsi qu’à la prévention et à la prise en charge des violences basées sur le genre en permettant d’intégrer des dispositions légales dans les pays et en sensibilisant les communautés. Les actions permises par Muskoka sont réelles et concrètes. Elles viennent des populations, elles touchent directement ces populations.
Au-delà, des chiffres, il y aussi la vision, celle de la France à l’international. Pays leader de la promotion des droits humains dans le monde, mais aussi particulièrement engagée dans la construction d’une réelle diplomatie féministe, la France a réussi avec le Fonds Français Muskoka à regrouper en un seul outil les symboles de son aide publique au développement. Ce programme est basé sur le partenariat avec les pays destinataires et les organisations internationales particulièrement engagées sur la santé des femmes et des enfants. Il est aussi directement construit et mis en place avec les communautés locales afin que la coordination nécessaire soit assurée pour agir concrètement et efficacement. Un programme basé sur cette idée que la défense des droits humains et le combat pour les droits des femmes passent aussi par l’accès à la santé, à la prévention, à l’éducation. Un programme qui agit dans les pays et auprès des populations les plus vulnérables.
Lors de son élection en 2017, le président de la République Emmanuel Macron a fait une promesse. Celle d’augmenter l’aide publique au développement française à hauteur de 0,7% du RNB. Cette promesse, nous sommes en train de la tenir. Budget après budget, priorité après priorité, notre pays se dote des moyens de cette ambition. Est-ce suffisant ? Non. Car nous le savons, les risques changent et les situations politiques et internationales aussi. Dans un monde où les inégalités demeurent importantes, où les populations sont de plus en plus confrontées aux conséquences du réchauffement climatique, des conflits et du terrorisme, nos politiques d’aides publiques internationales doivent être grandement renforcées.
Aujourd’hui, la France doit continuer de faire du combat pour les droits des femmes et les droits des enfants une priorité politique et financière. Une priorité politique car face aux montées des mouvements extrémistes qui tendent à remettre en cause ces droits, qui veulent les murer dans le silence de l’histoire, qui veulent les anéantir méthodiquement, c’est une volonté dont nous avons besoin. Celle d’une vision claire et ambitieuse, et celle d’un portage engagé et collectif. Mais la volonté sans les moyens financiers ne suffira pas. Nous avons pris l’engagement que 75 % des projets financés par notre aide publique au développement aient comme objectif principal ou significatif l’égalité femmes-hommes d’ici 2025, dont 20 % l’aient pour objectif principal. Nous devons désormais nous donner les moyens d’atteindre cet objectif nécessaire le plus rapidement possible et convaincre la communauté internationale d’en faire de même.
Alors que la France accueille ces 22 et 23 juin 2023, le Sommet pour un nouveau pacte financier, nous appelons à un doublement (de 10 à 20 millions d’euros par an) du financement par la France du Fonds français Muskoka. Parce que ce projet est au cœur de nos priorités. Parce que nous le devons aux femmes, aux enfants, aux personnels de santé, aux travailleurs, travailleuses communautaires et plus largement aux systèmes de santé mondiale que nous voulons renforcer. Mais aussi, parce qu’il concourt à la création de cette communauté d’avenirs dont notre monde a tant besoin.
Au-delà, il nous faudra nous réengager dans des priorités claires, lisibles, ambitieuses, et à l’image de nos combats, en matière de programmation de l’aide publique au développement car ce qu’il se passe dans notre pays n’a de sens qu’à l’aune de ce que vit l’humanité tout entière.
Signataires
Guillaume GOUFFIER VALENTE, député du Val-de-Marne, Vice-président de la Délégation aux droits des femmes
Michèle PEYRON, députée de Seine-et-Marne, Présidente du groupe d’amitié France-Niger
Charlotte GOETSCHY-BOLOGNESE, députée du Haut-Rhin, Membre de la Délégation aux droits des enfants