Seul le prononcé fait foi
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission des Lois,
Chers collègues,
Je débuterai mon propos par un aveu : lorsque j’ai été nommé rapporteur de la commission des lois sur cette proposition de résolution européenne, je dois dire que je ne partageais pas l’état d’esprit initial qui avait présidé à son dépôt par le groupe Républicains.
Sous couvert d’appeler au respect du droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée, son exposé des motifs associait les ONG qui agissent en mer pour secourir les personnes en détresse à des réseaux de passeurs. Un tel amalgame relève pour moi soit d’une manipulation politique et populiste, soit d’une méconnaissance profonde de la situation actuelle en mer Méditerranée : mes chers collègues, c’est bien d’un « cimetière à ciel ouvert ».
Car c’est bien de cela dont nous parlons aujourd’hui. De la route migratoire la plus meurtrière au monde. Celle dans laquelle plus de 26 000 personnes ont péri en moins de dix ans. Celle qui représente près de 80% des décès recensés dans l’ensemble de la Mer Méditerranée.
Face à cette situation insupportable, je rejoins l’enjeu de cette proposition de résolution : la survie des migrants en mer ne peut plus être ignorée tant son urgence est devenue évidente.
A ce titre, je tiens à souligner le travail réalisé par Pierre-Henri DUMONT en commission des affaires européennes pour faire évoluer ce texte et éclairer avec nuance l’ensemble de ces enjeux complexes, tenant autant à la situation géopolitique qu’à l’articulation du droit d’asile et du droit de la mer.
Au moment de son examen par notre assemblée, à l’agitation de peurs irrationnels, je vous propose de préserver deux points cardinaux pour notre boussole : l’humanisme et le droit.
L’humanisme d’une part, car la présence des ONG en mer Méditerranée permet de répondre à notre obligation fondamentale d’humanité. Elle se fonde sur un principe ancestral des gens de mer selon lequel tout capitaine de navire a le devoir de secourir « quiconque est trouvé en péril en mer ». Au plus fort de la crise migratoire qui a touché l’Union européenne en 2016, les navires des ONG ont permis de sauver 4 000 vies humaines. Cette action, nous devons la saluer. A aucun moment nous ne devons la criminaliser et je m’opposerai fermement à toutes demandes allant en ce sens.
Humanisme aussi pour ne pas laisser penser que la présence de ces bateaux favoriserait les tentatives de traversées, tel un « appel d’air ». Les études menées à ce sujet et notamment celle publiée en 2021 par l’Organisation Internationale pour les Migrations montre qu’aucune corrélation ne peut être établie entre la présence de ces navires et l’augmentation des tentatives de traversées. Je tiens à rappeler ici que la majorité des opérations de sauvetage sont réalisées par les navires des autorités publiques ou de commerce conformément à leur obligation.
Humanisme enfin car c’est notre devoir de lutter contre les réseaux de passeurs qui exploitent la misère des demandeurs d’asile. Il faut pour cela ne pas faire preuve de naïveté et inciter pleinement les pays tiers à jouer leur rôle pour lutter contre le développement de ces réseaux sur leur sol et maitriser leurs frontières. Nous renforcerons d’ailleurs dans le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration nos outils pour lutter contre ces réseaux que nous allons, eux, criminaliser.
Le droit d’autre part car comment prétendre que la mort de 2 500 personnes en Méditerranée cette année encore selon les chiffres de l’ONU, ne révèle pas des défaillances auxquelles il faut répondre ?
C’est pourquoi ce texte invite à adopter une approche européenne commune dans la conduite des opérations de sauvetage en mer.
Ainsi, ce sont notamment les divergences d’interprétation quant à la notion de port de débarquement le plus proche ou de lieu sûr qui conduisent à des situations conflictuelles entre Etats membres révélées par la crise de l’OCEAN Viking.
L’action européenne doit également permettre d’assurer une plus grande solidarité dans la prise en charge des demandeurs d’asile notamment à l’issue de leur débarquement à la suite d’un sauvetage en mer. Le Pacte sur l’asile et la migration qui devrait être adopté dans les prochains mois par les législateurs de l’Union européenne constituera à cet égard un progrès important.
Mais fixer ce cadre, ne doit cependant pas conduire à instrumentaliser nos outils de coopération, comme le conditionnement proposé de notre aide publique au développement qui, je le rappelle, ne va pas seulement aux États, mais bien aux populations elles-mêmes et qui fait donc partie de la solution à ces enjeux.
Mes chers collègues, pour ces raisons, j’ai déposé un certain nombre d’amendements que je vous inviterai à voter et qui permettront selon moi un équilibre plus juste, sur le plan humain et juridique, de cette résolution.
Je vous remercie.