« Mais comment sommes-nous arrivés dans cette situation où le RN se retrouve dans la position du censeur ou du faiseur de roi ? ». Cette question posée par un journaliste, je veux vous la partager. Elle se doit d’être posée et d’être discutée. Elle rejoint une autre question, plus commune, plus générale, « mais comment en sommes-nous arrivés là ? ». Bien entendu, pour la plupart des responsables politiques la réponse est simple. Cette situation est de la seule responsabilité du Président de la République Emmanuel Macron. Réponse simple, rapide, peu exigeante sur le plan intellectuel, rentable sur les réseaux sociaux. Une réponse de commentateur politique de salon. La réponse de celle et ceux qui, au fond, s’intéressent peu à la vie des gens et n’ont pas envie de trop se fatiguer à regarder la réalité de notre société, de prendre la responsabilité d’essayer d’y apporter des réponses. Si le Rassemblement national a rassemblé plus de 11 millions de voix lors des dernières élections présidentielles, ce qui en fait, triste réalité, la première force politique du pays, il n’est en rien censeur ou faiseur de roi. La responsabilité de la situation que nous vivons incombe entièrement à l’ensemble des forces républicaines et démocrates de notre pays, à leur attitude et à leur capacité de travailler enfin ensemble au service de l’intérêt général. Nous devons collectivement retrouver le sens des responsabilités si nous voulons faire reculer les extrêmes dans notre pays.
Au-delà des discussions d’organisation politique, il nous faut aussi regarder les raisons qui conduisent les extrêmes à se renforcer élection après élection. Une situation que connaissent par ailleurs de nombreuses démocraties actuellement. Plusieurs raisons peuvent être avancées. D’abord, peut-être, parce que notre société est inquiète face au monde dans lequel nous vivons et face à tous les changements auxquels nous sommes confrontés. Parce que nous vivons aussi dans une société fracturée et tentée par le repli sur soi. Ensuite, en raison de la méthode qui a été la nôtre, celle de la majorité présidentielle, depuis plusieurs années. Nous devons entendre les reproches qui nous sont adressés concernant cette méthode qui, loin des promesses de 2017, est apparue comme trop personnelle, verticale, arrogante. Il est impératif qu’au sein de Renaissance nous n’ayons pas peur d’aborder ce sujet si nous voulons continuer d’être utile à nos concitoyens. Nous n’avons pas à rougir de l’action que nous avons menée depuis 2017 au service des Françaises et des Français mais nous devons chercher à nous améliorer. Enfin, peut-être parce que nous faisons face à un appauvrissement de la pensée politique et à une radicalisation des positionnements partisans. Chacun campe sur ses convictions et ses propositions qui sont, par nature, les seules à être utiles pour le pays. On ne se parle plus ou si peu entre représentants des différentes formations politiques. Une expression de plus en plus utilisée par les responsables politiques me marque d’ailleurs : « nous devons d’abord penser à nos électeurs ». Personnellement, je trouve cette phrase assez terrible. Je demeure convaincu que le rôle de tout responsable politique n’est pas de manager une entreprise de marketing mais d’être au service de chacune et de chacun, de défendre inlassablement l’intérêt général et les valeurs de notre République. Notre rôle est de toujours être dans la recherche du rassemblement et du consensus.
Ces dernières semaines, alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques ré-enchantaient nos concitoyens et créaient de nouvelles espérances, la classe politique française montrait l’un de ses visages les moins séduisants. Le mot coalition a été dans toutes les bouches, l’individualisme et la prétention dans tous les comportements. L’impasse a commencé à se dessiner et le chaos institutionnel à se présenter à nous. Dans de telles situations, et nous le savons pourtant très bien, c’est hélas toujours les extrêmes qui sortent renforcés et en position d’imposer la résignation à une partie toujours plus importante de la société.
Sommes-nous sortis de cette situation ? Non, clairement. Mais un Premier ministre a été nommé, Michel Barnier. Homme politique de droite, conservateur, ce qui m’amènera certainement à avoir de réels désaccords avec des mesures qu’il proposera, grand serviteur de l’Etat, européen convaincu, ancien élu local et national, négociateur reconnu, Michel Barnier présente une expérience qui, je le pense, au-delà des divergences de fond que nous aurons, peut être utile à notre pays dans la période que nous vivons. Je lui souhaite à lui et à l’équipe qu’il va construire de réussir. Car là est maintenant notre responsabilité collective. Nous devons tout mettre en œuvre pour que le dialogue entre les différentes forces politiques républicaines et démocrates de notre pays devienne une réalité. En cela, l’instauration du scrutin à la proportionnelle pour les élections législatives me paraît indispensable, tout comme la transformation de la motion de censure en motion de défiance constructive. Nous devons sortir des invectives et des positionnements dogmatiques. Nous devons le faire pour répondre aux préoccupations des Françaises et des Français. Nous devons le faire avec le souci, comme l’a très justement dit Michel Barnier, de répondre à une triple attente de nos concitoyens : le respect, l’unité et l’apaisement. Pour notre démocratie, pour notre République, pour toutes nos concitoyennes et tous nos concitoyens, à nous de nous y atteler avec convictions, détermination et exigence.