
Seul le prononcé fait foi.
Madame la présidente,
Madame la ministre,
Monsieur le président,
Mesdames les rapporteures,
Chers collègues,
Le sujet que nous abordons aujourd’hui est certainement l’un des plus graves de notre société, un sujet qui questionne celle-ci dans la profondeur de son intimité, de ses injustices structurelles entre les femmes et les hommes, dans ses violences les plus insupportables et destructrices. Ce sujet, c’est celui d’un outil de domination. C’est celui de la définition d’un crime. C’est celui de la définition pénale du viol. Et, bien au-delà, c’est la question même de la culture du viol que nous évoquerons et notre volonté d’y mettre un terme.
Cette culture est une réalité et je souhaite ici avoir une pensée pour toutes les victimes de ce fléau. Cette culture n’est pas la faute des femmes, ni même celle des étrangers, thèse fallacieuse chère à l’extrême-droite. L’opposition du RN et de l’UDR à cette loi ne nous surprend à aucun moment. Cette culture est d’abord le problème des hommes, il faut le dire, les chiffres parlent d’eux-mêmes, et de notre société dans son ensemble qui est enfermée depuis toujours dans les codes du patriarcat. Des codes qui ont habitué les hommes, génération après génération, à s’approprier le corps des femmes sans jamais se questionner sur leur consentement. C’est là d’ailleurs, entre parenthèses, le préalable à l’invisibilisation des femmes.
Pour une large majorité d’entre nous, nous partageons la volonté que tout soit mis en œuvre pour renforcer nos outils pour lutter contre le viol, pour mieux accueillir, accompagner et protéger les victimes. Pour mieux sanctionner les auteurs aussi. Cela passe par plus de moyens, par une meilleure formation des professionnels. Cela passe par la mise en place des cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Cela passe par une déconstruction des mythes sur la façon dont un viol se déroule ou sur les prétendues attitudes qui ont pu conduire à la commission de ce crime. Chers collègues, un seul fait, la victime est victime. Elle n’est en rien responsable du crime commis par l’auteur qui, en tant qu’agresseur, est le seul responsable du viol. Un non est un non, un oui extorqué n’est pas un oui consenti, se rétracter à tout moment est un droit, un silence n’est pas un oui et il n’existe pas de zone grise de l’excuse.
Cela passe donc aussi par l’amélioration de la définition pénale du viol. Cette définition a une histoire singulière. Elle est le fruit d’un long combat féministe que nous ne devons jamais oublier et dont nous devons transmettre la mémoire. Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’avancer et d’apporter des réponses aux défaillances que nous pouvons observer concernant les trois grandes fonctions de cette définition pénale du viol : dans sa dimension répressive, protectrice et expressive. La notion de consentement qui est au cœur de tous les procès, doit être reconnue par notre droit.
Mes chers collègues, face à la gravité de ce phénomène dans notre pays qui voit une femme y être victime toutes les 2 minutes 30 d’un viol ou d’une tentative de viol, notre responsabilité est d’avancer sur ce sujet dans toutes ses dimensions. Selon le dernier rapport du HCE, 47% des garçons estiment que les filles s’attendent à ce que les rapports sexuels impliquent une agression physique, 25% des hommes estiment que lorsqu’une femme dit non, c’est qu’elle veut dire oui. Ces données, qui sont une réalité, sont révélatrices du mal profond qui imprègne notre société. Aussi, face à ce fléau insupportable, quelques mois après le verdict du procès dit de Mazan, près d’un an après l’élection à la présidence des Etats-Unis d’un homme condamné pour agression sexuelle qui représente pour certains un modèle politique à suivre, quelques mois après le procès Depardieu où la stratégie choisie par la défense interpelle tant elle était basée sur l’instrumentalisation des codes de la domination masculiniste, nous devons agir. Dans l’époque que nous vivons qui voit resurgir des idéaux masculinistes nauséabonds, nous devons tout mettre en œuvre pour sortir de cette culture de la soumission et de la domination.
C’est tout le travail qui a été conduit de manière transpartisane et sereine, sérieuse et approfondie par nos deux co-rapporteure, Mesdames Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin. Un travail qui a conduit à ce texte adopté par nos deux assemblées au cours des derniers mois.
Chères collègues, je tiens à saluer votre engagement sans faille qu’aucun des soubresauts politiques que nous connaissons en ce moment n’aura freiné et la très grande qualité de vos travaux qui vous ont permis d’aboutir à cette proposition de loi. Une proposition qui, tout en introduisant la notion de non-consentement, conserve les quatre critères coercitifs de la définition pénale actuelle du viol et respecte parfaitement les grands principes de notre droit. Le moment que nous vivons ce matin est important. Il représente tout un symbole dans cette semaine où nous accueillons à Paris la 4ème conférence ministérielle sur les politiques étrangères féministes, et quelques jours après la disparition de l’ancienne ministre Monique Pelletier.
Le groupe EPR votera avec conviction pour ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Une proposition de loi essentielle pour la protection des victimes de viol mais, bien au-delà, pour l’ensemble de notre société et son avenir. Car oui, bâtir une société qui repose sur le consentement, c’est bâtir une société qui repose sur l’écoute et l’attention de l’autre, une société plus juste et respectueuse de chacune et chacun. Et c’est bien de cette société féministe que nous voulons.
Je vous remercie.