Ce jeudi 8 juillet 2021, les députés ont adopté, en première lecture, le projet de loi relatif à la protection des enfants. Issu d’une large consultation des acteurs de terrain, il constitue le volet législatif de la Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022. Je salue une réforme majeure qui doit répondre aux défaillances bien trop souvent constatées dans l’aide sociale à l’enfance (ASE), garantir l’équité de traitement des enfants protégés sur l’ensemble du territoire et renforcer leur accompagnement vers l’autonomie.
Un projet de loi consacré à la protection des enfants placés en dehors de leur cellule familiale
Lorsqu’un mineur ne peut être maintenu dans sa famille, il est pris en charge par les services départementaux qui sont chargés de veiller à leur protection au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ils sont alors placés dans une famille d’accueil, dans des foyers et parfois dans des hôtels faute de places. Aujourd’hui en France, 340 000 jeunes sont suivis par l’ASE. Or, il s’avère que cette politique est défaillante en raison de manques de moyens humains et financiers. Ces enfants qui ont une moyenne d’âge de 12 ans lors de leur placement, connaissent ensuite de grandes difficultés matérielle, psychologique, financière. En effet, 30% des utilisateurs des services temporaires d’hébergement sont des anciens de l’ASE et 25% des moins de 25 ans sans domicile ont été placés en foyer ou famille d’accueil. Il s’agit d’un problème majeur en France qui était encore trop méconnu il y a quelques années. Les mesures relatives à leur accompagnement après leur 18 ans ne sont pas non plus présentes.
Un reportage « Enfants placés : les sacrifiés de la République » réalisé en 2019 par Sylvain Louvet a su montrer la réalité du quotidien de ces enfants, de celles des éducateurs et des situations de détresse qui en découlent. Ces enfants abandonnés par notre système doivent être mieux protégés, cela relève de notre devoir et de notre responsabilité.
Le projet de loi présenté par Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles vise à répondre en partie à ces défaillances. Le texte comporte diverses mesures relatives au domaine de compétence du juge des enfants, aux familles d’accueil, au système administratif et vise à assurer un socle commun de droits pour tous les enfants, à soutenir les professionnels et à veiller au partage des compétences entre l’Etat et le département. Il est nécessaire d’avoir une meilleure articulation des outils comme le référentiel d’agréments.
Les axes du projet de loi
L’objectif est de mieux protéger les enfants contre les violences, d’améliorer le quotidien des enfants protégés en termes d’accueil et d’accompagnement, d’améliorer les garanties procédurales au bénéfice des enfants, de mieux piloter la politique de prévention et de protection de l’enfance et encadrer le droit relatif aux mineurs non accompagnés.
Voici les principales mesures :
- Le juge peut permettre au gardien de l’enfant d’exercer certains actes déterminés relevant de l’autorité parentale. J’ai cosigné un amendement de ma collègue Marie-Pierre Rixain qui précise que dans le cadre de violences conjugales, l’autorité parentale soit dévolue à la partie demanderesse. Trop souvent, les victimes s’abstiennent d’engager une procédure à l’encontre d’un conjoint violent de crainte qu’un partage de l’autorité parentale soit effectuée ;
- Le placement d’un enfant sera effectué après l’étude d’un accueil possible chez un membre de la famille ou d’un tiers de confiance ;
- Le juge des enfants peut renvoyer une affaire en matière d’assistance éducative devant une formation collégiale ;
- Il est interdit de placer un enfant dans un hôtel, sauf exception pour une durée de deux mois ;
- Rassemblement des frères et soeurs au sein d’une même famille d’accueil. Si sur ce sujet le principe semble le bon, attention toutefois aux situations d’incestes déjà existantes ou à venir.
- Le recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité est rendu obligatoire afin de contraindre les départements à l’utiliser. L’objectif est d’éviter une évaluation successive d’une même situation par plusieurs départements. En cas de refus, le département se verra retirer la contribution forfaitaire de l’Etat ;
- Garder auprès de la justice les prévenus présentés devant une juridiction incompétente du fait d’une erreur sur leur âge : comparution dans un délai de 24 heures sauf si elle doit intervenir devant un autre tribunal judiciaire ;
- Les assistants familiaux bénéficieront d’une rémunération mensuelle au moins égale au SMIC ainsi qu’une rémunération minimale si l’employeur public leur confie moins d’enfant que prévu. La rémunération sera également maintenue en cas de suspension d’agrément pour quatre mois ;
- Création d’une base nationale pour suivre les retraits d’agréments ;
- Création d’un nouveau GIP pour appuyer l’Etat et les conseils départementaux dans la définition et la mise en œuvre de la politique d’accès aux origines personnelles, d’adoption nationale et internationale d’accès ;
- Le conseil national de la protection de l’enfance est refondu.
Un amendement du Gouvernement a fini par être déposé concernant les jeunes majeures à peine sortie du dispositif de l’ASE. Ambition initiale de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, il prévoit d’aider financièrement les jeunes jusqu’à 21 ans qui éprouvent des difficultés sociales d’insertion afin d’éviter les sorties de manière trop brutales.
Le projet de loi a été adopté le jeudi 8 juillet à l’Assemblée nationale à 36 voix pour et 4 abstentions.
Cependant, je regrette que la prostitution des mineurs ne soit pas abordée dans ce texte alors même que ces enfants y sont plus confronté en raison de leur plus grande vulnérabilité. C’est un sujet sur lequel nous devrons travailler dans l’avenir.
Le 119 est le numéro d’appel destiné à tout enfant ou adolescent victime de violences ainsi qu’à toute personne préoccupée par une situation d’enfant en danger ou en risque de l’être. Communiquons sur ce numéro en complément de ce projet de loi.
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