Après 61 heures de débats et l’examen de 1100 amendements, nous avons adopté en première lecture ce dimanche 22 avril le projet de loi pour une immigration maitrisée, un droit d’asile effectif et une immigration réussie (228 voix pour et 139 contre).
Au regard des discussions et remarques que suscite ce texte, et que j’entends, je tiens donc à revenir dessus de manière assez approfondie afin d’apporter des éléments de compréhension sur cette loi nécessaire, responsable et équilibrée.
Mais une loi qui devra être contrôlée et évaluée dans son application dès le départ si nous voulons faire de notre pays un pays qui accueille mieux et qui permette aux réfugiés de s’y intégrer dans les meilleures conditions possibles.
Par ailleurs, nous ne devons pas non plus perdre de vue que le traitement de la situation migratoire actuelle ne peut se concevoir dans le seul cadre national. Ce projet de loi doit être lu dans le cadre du plan d’action plus global annoncé le 12 juillet 2017 et dont le premier objectif est de redonner à la France les moyens d’agir aux plans européen et international pour mieux maîtriser les flux migratoires.
Les défis migratoires auxquels nous devons faire face sont aujourd’hui nombreux et ils sont appelés à durer. Ce texte entend donc apporter une réponse aux difficultés qui perdurent dans notre système d’immigration et d’asile malgré les précédentes lois de 2015 et 2016 :
- Les délais d’examen des demandes d’asile demeurent trop longs. En effet, le délai moyen global (OFPRA + CNDA) est de 14 mois et 19 jours pour la procédure normale et 307 jours pour la procédure accélérée ;
- Des campements illégaux continuent à se continuer dans certains départements ;
- La mise en œuvre des retours contraints des étrangers ne justifiant d’aucun droit au séjour en France demeure insuffisante ;
- La politique d’intégration en matière d’apprentissage du Français et d’accès à l’emploi n’est pas à la hauteur des enjeux.
Une simplification et une accélération des demandes d’asile
Pour remédier à ces difficultés, ce texte législatif simplifie et accélère le traitement des demandes d’asile. Pour ce faire, il est notamment proposé de :
- Permettre la convocation du demandeur d’asile et la notification de la décision par tous moyens, y compris électroniques (un amendement adopté en commission précise que les moyens qui seront employés pour notifier les décisions devront permettre de s’assurer de la réception personnelle de cette notification par le demandeur d’asile) ;
- Réduire le délai de recours devant la Cour Nationale du droit d’asile (CNDA) de 1 mois à 15 jours ;
- Systématiser le recours à la vidéo-audience lorsqu’il est demandé par le juge (un amendement adopté en commission a conditionné le recours à la vidéo-audience à la qualité de la communication audiovisuelle. Par ailleurs, la régularité de la décision a été subordonnée au respect des garanties cumulatives énumérées par l’article L.733-1 du CESEDA : confidentialité et qualité de la retransmission ; salle aménagée et ouverte au public située dans un local du ministère de la justice aisément accessible ; copie du dossier mis à disposition ; possibilité de la présence de l’avocat aux côtés de l’intéressé ; établissement d’un procès-verbal et enregistrement audio-visuel ou sonore. Enfin, il est précisé que l’interprète du requérant doit être physiquement présent à côté de lui ou, à défaut, dans la salle où siège la CNDA) ;
- Imposer au demandeur d’asile, tout au long de la procédure, la langue qu’il aura choisie dans une liste qui lui sera présentée par l’administration. S’il refuse de choisir, lui sera imposée une langue dont il aura une connaissance suffisante ;
- Poser pour principe que les demandes d’asile des adultes valent également pour les enfants mineurs les accompagnant ;
Ce texte assure ensuite l’efficacité du dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile en :
- Répartissant de manière plus directive les demandeurs d’asile sur le territoire (des amendements ont subordonné le recours à cette disposition au cas d’afflux de demandeurs d’asile dans une région, ils ont précisé que la décision de refus de l’OFII d’une demande de quitter provisoirement la région de résidence où le demandeur d’asile a été orienté devra être motivée ; ils ont prévu que l’Etat pourra mettre à l’abri les personnes engagées dans une démarche d’asile mais n’ayant pas encore pu enregistrer ou formaliser leur demande) ;
- Institutionnalisant les échanges d’informations entre le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (l’OFII) ;
Il sécurise le droit au séjour pour les personnes en besoin de protection, notamment en :
- Facilitant et en allongeant les titres de séjours octroyés aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux membres de leurs familles;
- Facilitant l’octroi de titres de séjour aux victimes de violences conjugales ;
Il renforce les moyens d’action pour lutter contre l’immigration irrégulière. Pour cela le projet de loi vise notamment à :
- Renforcer le régime de la retenue pour vérification du droit au séjour en portant sa durée maximale de 16 à 24 heures ; en permettant l’inspection visuelle et la fouille des bagages de l’étranger ; en sanctionnant d’avantage le refus de se soumettre au relevé des empreintes digitales et à la prise de photographie ;
- Renforcer la rétention administrative (un amendement adopté en commission oblige l’administration à prendre en compte la vulnérabilité des personnes – notamment tout handicap – avant tout placement en rétention. La commission a aussi supprimé la possibilité de placer en rétention une personne jusqu’à 135 jours en limitant la durée à 90 jours et en la séquençant de la manière suivante : les deux premières phases de 2 à 28 jours ; une troisième phase de 30 jours décidée par le juge des libertés ; deux prolongations de 15 jours chacune qui ne peuvent être décidées par le juge des libertés que dans un nombre limité de circonstances – en cas d’inexécution de la mesure d’éloignement en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, .en cas d’obstruction à l’exécution de l’éloignement, en cas de présentation dilatoire d’une demande d’asile ou de titre de séjour sur le territoire) ;
Il améliorer les conditions d’intégration et d’accueil des étrangers en situation régulière, notamment en :
- Elargissant la délivrance du passeport-talent à de nouvelles catégories de personnes;
- Facilitant la mobilité au sein de l’Union européenne des étudiants et des chercheurs;
- Créant un titre de séjour spécifique pour les jeunes au pair;
Lors des débats en séance, plusieurs avancées importantes ont été obtenues
- La reprise de plusieurs préconisations du rapport Taché pour améliorer l’intégration, par exemple la possibilité pour un demandeur d’asile d’accéder au marché du travail plus facilement et plus rapidement ; le renforcement du parcours d’intégration républicaine notamment avec le doublement du nombre d’heures de formation linguistiques pour ceux qui en ont besoin ;
- La réduction du délai de recours à 15 jours contre une décision de refus de l’octroi d’une demande d’asile est accompagnée d’une mesure de simplification permettant le dépôt d’une saisine sommaire qui pourra être complétée par toutes pièces et éléments nouveaux jusqu’à la clôture de l’instruction ;
- Le placement en rétention est encadré et ne pourra pas excéder 90 jours (contre 135 jours initialement).
- Le délit de solidarité est abrogé afin de protéger les actes de solidarité désintéressés tout en préservant l’efficience de nos dispositifs de lutte contre les passeurs.
- Concernant la rétention des mineurs accompagnés, même si nous avons obtenu du ministre de l’intérieur un encadrement très strict des rétentions familiales et un réaménagement prioritaire des CRA où seront placées des familles, nous n’avons pas réussi à inscrire son interdiction dans ce texte de loi mais une proposition de loi sera préparée dans les mois qui viennent par le groupe Larem.
Ce sont là les principales mesures de ce texte. Contrairement à ce que je peux lire, ce texte ne vise pas à détruire le droit d’asile, bien au contraire. Il vise à le renforcer, à nous permettre de rendre nos décisions plus rapidement afin de mieux accueillir mais aussi de rendre effectif les décisions d’éloignement. Sur ces deux points, nous avons beaucoup de progrès à faire. Enfin, le temps de la construction de la loi est une chose, le temps de son exécution en est une autre et plus que n’importe quelle loi et au regard des principes de notre République, nous devrons être mobilisés sur son contrôle et son évaluation.