Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Madame et Monsieur les Rapporteures,
Mes chers collègues,
Au cœur de notre société, il y a une inégalité structurelle contre laquelle il nous faut toutes et tous nous engager si nous voulons que la société de demain soit meilleure et plus juste. Cette inégalité c’est celle qui existe entre les femmes et les hommes.
Je tiens à le dire ici, de manière claire, en réponse aux mots que je peux entendre ou lire ici et là, sur les réseaux sociaux bien souvent d’ailleurs, qui nient ou minimisent en permanence cette réalité. Voire la justifient et la défendent. Ces propos, nous devons les combattre.
La réalité de notre société c’est que les femmes, à poste égal, gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes. La réalité c’est que la séparation du couple accélère les inégalités et entraine une perte de pouvoir d’achat de 20% pour les femmes contre 3% pour les hommes. Les conséquences s’en font par ailleurs grandement ressentir au moment de la retraite. La réalité c’est que plus de 75% des familles monoparentales ont des femmes à leur tête. Une famille monoparentale sur cinq est pauvre et dans 82% des cas il s’agit de femmes avec enfants, ce qui représente un million d’individu. La réalité, c’est que dans notre pays, en 2018,ce sont chaque année plus de 225 000 femmes qui sont victimes de violences sexuelles et sexistes et plus de 80 000 qui sont victimes d’un viol. Seulement 1% des viols étant condamnés d’après les associations. Cet après-midi encore, Le Monde, à partir des travaux effectués par la fondation Jean Jaurès, rappelle par ailleurs que 86% des Françaises sont concernées par le harcèlement de rue.
Cette réalité c’est la société française de 2018 et elle est insupportable. Nous ne la taisons plus et nous voulons tout mettre en œuvre pour changer cela.
Derrières ces chiffres, ce sont des millions d’histoire de femmes. Des vies et des expériences bien réelles. Il nous revient de ne jamais le perdre de vue dans les projets de réformes que nous menons si nous voulons mettre fin à ces inégalités. Tout particulièrement dans la réforme de notre système judiciaire.
C’est en ayant à l’esprit ces réalités que nous avons mené nos travaux à la délégation aux droits des femmes : plusieurs articles y concernent directement la question des inégalités entre les femmes et les hommes. Je tiens ici à saluer la qualité d’écoute et la mobilisation de la garde des sceaux Nicole Belloubet sur ce sujet, ainsi que celle de mes collègues rapporteurs, Madame Laetitia Avia et Monsieur Didier Paris.
Ce texte propose une réforme ambitieuse de modernisation de notre système judiciaire. Je m’en félicite. Nous allons notamment simplifier la vie de nos concitoyennes et concitoyens en réduisant les délais des procédures. C’est ce que nous allons faire dans le domaine des affaires familiales avec la réduction du délai de la procédure de divorce, en confiant aux CAF une expérimentation sur la définition de l’évolution des montants des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants et en développant le recours à la médiation. Je tiens à saluer ces nouvelles procédures tout en attirant votre attention sur le fait que nous devrons tout de même rester particulièrement vigilants sur les inégalités économiques qui existent entre les femmes et les hommes au sein du couple et sur l’existence des violences conjugales et intrafamiliales. Nous devrions notamment pouvoir garantir la tenue de l’audience de fixation des mesures provisoires dans le cadre de divorce contentieux dans un délai d’un mois, exclure les cas de désaccords entre ex-conjoints dans l’expérimentation menée avec la CAF et exclure tout recours à une procédure de médiation dès lors qu’il y aura une situation de violences.
Par ailleurs, à travers cette réforme, nous allons également faciliter l’accès à la justice aux femmes victimes de violences sexuelles avec la possibilité du dépôt de plainte en ligne. Nous allons nous donner des moyens supplémentaires pour lutter contre le phénomène de correctionnalisation des viols en les sanctionnant pour ce qu’ils sont : des crimes. C’est l’objectif poursuivi par la création de la Cour criminelle qui devrait être saisie de plus de 60% d’affaires sexuelles. Parallèlement à la mise en place de ces nouveaux outils, nous devrons poursuivre nos efforts pour améliorer les conditions d’accueil physique des femmes victimes de violences et accélérer la formation de l’ensemble des personnels judiciaires sur les questions de violences sexuelles et sexistes.
Derrière les procédures juridiques que nous nous apprêtons à réformer, se trouvent des situations bien réelles et nos décisions auront des conséquences importantes sur la vie de nos concitoyennes et concitoyens. Nous allons simplifier notre justice, faciliter son accès et rendre plus compréhensible ses décisions. Cela va dans le bon sens. Mais dans nos débats, à aucun moment ne perdons de vue cette inégalité structurelle qui existe dans notre pays et qui est aujourd’hui la grande cause de ce quinquennat. C’est une condition si nous voulons mettre fin aux inégalités entre les femmes et les hommes dans notre société.
Je vous remercie.