La France comme l’Allemagne sont sur le point de prendre des décisions qui auront un impact majeur sur notre avenir énergétique : la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui définit la feuille de route de la transition énergétique en France et la date de sortie du charbon qui doit être fixée par la commission charbon en Allemagne.
Ces deux décisions, française et allemande, sont très attendues au moment où nous sommes en train de bâtir l’Europe de l’énergie. Ce grand chantier doit permettre à la fois d’assurer notre sécurité énergétique, mais aussi d’accélérer la transition vers un système énergétique plus propre et résilient et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pourtant, la première pierre de cette Europe de l’énergie est fragilisée par la défiance croissante entre les gouvernements français et allemand sur leurs politiques énergétiques.
La peur de devoir consommer de l’électricité produite par des centrales à charbon allemandes fait hésiter la France à enclencher la diminution de son parc nucléaire. A l’inverse, l’Allemagne craint qu’en actant la sortie rapide du charbon, elle soit contrainte d’importer de l’électricité issue des centrales nucléaires françaises, alors même que le pays a tourné le dos à cette énergie, la jugeant trop risquée après la catastrophe de Fukushima.
Le manque de coordination entre la France et l’Allemagne aboutit à une situation du tous perdants. La France est en passe de largement rater ses objectifs de transition énergétique sur les renouvelables et sur la réduction de sa consommation d’énergie. Quant à l’Allemagne, elle est très en retard sur la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
Ne laissons pas le doute s’installer dans le couple franco-allemand. Ce doute serait destructeur pour la construction d’une Europe souveraine sur l’énergie et pleinement engagée dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Français et Allemands doivent faire un pas l’un vers l’autre. Le président de la République et la chancelière allemande ont l’occasion de construire un new deal gagnant-gagnant sur la transition énergétique d’ici la fin de l’année.
Pour cela, ils doivent combiner la Programmation pluriannuelle de l’énergie et les plans de sortie du charbon pour enfin aligner leurs trajectoires énergétiques. Une Programmation pluriannuelle de l’énergie qui acterait une trajectoire claire de fermeture d’un nombre significatif de réacteurs nucléaires d’ici à 2028 afin d’atteindre au plus tôt les 50 % de nucléaire dans le mix électrique lèverait la défiance de la société civile allemande, de son gouvernement et des acteurs économiques vis-à-vis de la politique énergétique française. De son côté, le gouvernement allemand pourra prendre sereinement la décision de sortir du charbon, sans risquer d’importer de l’électricité nucléaire.
Au fur et à mesure que cette coordination prendra de l’ampleur et que la confiance sera retrouvée, nous pourrons aller plus loin dans les objectifs de réduction du nucléaire en France tout en fermant plus vite les centrales à charbon en Allemagne.
Ce new deal énergétique entre Emmanuel Macron et Angela Merkel peut être l’acte fondateur de l’Union de l’énergie dont l’Europe a tant besoin pour accélérer la lutte contre le dérèglement climatique. Cette décision politique d’avancer ensemble sur la transition énergétique à six mois des élections européennes montrerait que l’Europe n’est plus coincée dans un statu quo dangereux pour le climat et notre sécurité énergétique, mais qu’elle agit concrètement pour notre bien commun.
Monsieur le président de la République, Madame la chancelière allemande, osons ensemble porter ce new deal de l’énergie en Europe.
Retrouvez la tribune sur le site de Libération : https://www.liberation.fr/debats/2018/11/24/osons-le-new-deal-energetique-entre-la-france-et-l-allemagne_1693908