Actons dans la loi énergie-climat l’obligation de réaliser des travaux pour les passoires énergétiques mises en location ; c’est une mesure environnementale et de justice sociale.
Retrouvez ci-dessous la tribune parue dans Le Monde le 26 juin 2019.
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« Monsieur le Premier Ministre,
Alors que le projet de loi énergie climat, par lequel la France va se donner l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, doit être examiné par l’Assemblée Nationale en séance plénière à partir de mardi, nous vous appelons à donner un avis favorable aux amendements qui proposent une mesure d’obligation à terme de réaliser des travaux pour les « passoires énergétiques » mises en location, ces logements mal isolés qui condamnent leurs occupants à la précarité énergétique.
C’est d’abord une question de responsabilité politique pour le gouvernement : lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé, s’il était élu, à interdire la location des passoires énergétiques d’ici 2025. Le futur président avait même évoqué le besoin d’aider les propriétaires les plus modestes, en finançant « jusqu’à 100% du coût » de la rénovation.
Lors de la sortie du « grand débat », vous avez vous-même fait de la rénovation thermique des bâtiments l’un des cinq grands chantiers de la « mobilisation nationale » que vous avez sonnée. Plus récemment, dans votre discours de politique générale, vous avez reconnu « l’urgence écologique », et promis que « l’ambition écologique » serait au cœur de votre « acte II ». Vous avez aussi dit que vous seriez « ouvert » aux propositions des députés…
Mais jusqu’ici, vous n’avez pas appliqué ces principes à la question des passoires énergétiques en location, pourtant soutenue par de nombreux députés de votre majorité, ainsi que d’autres partis et groupes parlementaires, et très largement par la société civile. C’est notamment l’une des mesures phares du « pacte pour le pouvoir de vivre » soutenu par plus de 40 syndicats et associations.
Accélérer la rénovation des passoires énergétiques, c’est un enjeu crucial pour l’environnement et le climat, puisque les politiques actuelles ne permettent pas d’atteindre le rythme de 500 000 rénovations performantes par an, a fortiori dans le parc locatif privé où le taux de travaux d’amélioration des logements est à son plus bas niveau historique. Or cet objectif, inscrit dans la stratégie nationale bas carbone qui trace notre trajectoire vers la neutralité carbone, est essentiel pour que la France puisse tenir les engagements qu’elle a pris lors de la COP21 à Paris en 2015. Et si la France elle-même ne tient pas ses engagements, pourquoi les autres pays le feraient-ils ? Il en va du leadership climatique de la France et du succès de l’Accord de Paris !
Rendre obligatoire la rénovation des passoires énergétiques en location, c’est aussi une mesure de justice sociale, alors que plus de 5 millions de foyers souffrent de précarité énergétique. Le mouvement des Gilets jaunes a rappelé avec force que la transition écologique ne pourrait se faire que dans la justice sociale. De fait, vous avez vous-même reconnu aussi l’urgence sociale dans laquelle se trouve notre pays, en faisant référence aux « territoires isolés », dont les habitants subissent de plein fouet le renchérissement de l’énergie, dans le logement et bien sûr dans les transports.
Cet enjeu de justice sociale lié aux passoires thermiques trouve d’ailleurs un écho dans nos territoires, au regard de ses répercussions budgétaires pour les collectivités locales : en effet, ce sont les budgets locaux (CCAS, départements) qui, en dernier recours, prennent en charge les ménages en situation de précarité énergétique. Accélérer la rénovation des passoires thermiques, c’est donc également redonner des marges de manœuvre financières aux collectivités pour investir dans leurs projets de territoire.
Mais la norme, aussi nécessaire soit-elle, ne pourra produire les effets escomptés que si elle s’accompagne de dispositifs, y compris budgétaires, donnant aux ménages propriétaires de logements en location, et notamment aux moins fortunés, les moyens de s’engager dans la rénovation énergétique, sachant que l’on estime à environ 15 % le nombre de propriétaires bailleurs modestes.
C’est pourquoi le gouvernement doit non seulement envoyer un signal fort dès aujourd’hui, en laissant les députés acter l’obligation de rénovation des passoires thermiques mises en location, mais aussi s’engager à prévoir, dans le projet de loi de finances 2020, un surcroît de moyens budgétaires pour la rénovation des logements privés.
Monsieur le Premier Ministre, toutes les circonstances sont réunies pour prendre une mesure indispensable pour répondre à l’urgence climatique et sociale. Nous espérons pouvoir compter sur des décisions et des actes conformes à vos engagements. »
Liste des signataires
35 députés du collectif Accélérons la transition écologique et solidaire :
Sophie Auconie, députée de l’Indre-et-Loire, UDI
Delphine Bagarry, députée des Alpes-de-Haute-Provence, LREM
Pierre-Yves Bournazel, député de Paris, UDI
Jean-François Cesarini, député du Vaucluse, LREM
Annie Chapelier, députée du Gard, LREM
Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres, LREM
Mireille Clapot, députée de la Drôme, LREM
Frédérique Dumas, députée des Hauts-de-Seine, Libertés et Territoires
Guillaume Garot, député de la Mayenne, PS
Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne, LREM
Sandrine Josso, députée de Loire-Atlantique, Libertés et Territoires
Régis Juanico, député de la Loire, groupe socialistes et apparentés
Hubert Julien-Laferrière, député du Rhône, LREM
Anissa Khedher, députée du Rhône, LREM
Jean-Christophe Lagarde, député de Seine-Saint-Denis, président du groupe UDI
François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône, Libertés et Territoires
Jean-Charles Larsonneur, député du Finistère, LREM
Sandrine Le Feur, députée du Finistère, LREM
Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l’Isère, LREM
Paul Molac, député du Morbihan, Libertés et Territoires
Sandrine Mörch, députée de Haute-Garonne, LREM
Sebastien Nadot, député de la Garonne, non inscrit
Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire, député écologiste non-inscrit
Jimmy Pahun, député du Morbihan, MODEM
Bertrand Pancher, député de la Meuse, co-président du groupe Libertés et Territoires
Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, PS
Florence Provendier, députée des Hauts-de-Seine, LREM
Cécile Rilhac, députée du Val-d’Oise, LREM
Maina Sage, députée de Polynésie, UDI
Elisabeth Toutut-Picard, députée de Haute-Garonne, LREM
Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée de l’Allier, LREM
Laurence Vichnievsky, députée du Puy-de-Dôme, MODEM
Patrick Vignal, député de l’Hérault, LREM
Cedric Villani, député de l’Essonne, LREM
Martine Wonner, députée du Bas-Rhin, LREM
17 organisations de la société civile :
Isabelle Autissier, présidente du WWF France
Martial Breton, membre fondateur de Youth For Climate France
Sandrine Buresi, co-présidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique
Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat
Xavier De Lannoy, président de la Fédération SOLIHA
Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative “Rénovons !”
Michel Dubromel, président de France Nature Environnement
Gilles Vincent, Président de l’association AMORCE Gilles Vincent, Président de l’association AMORCE Gilles Vincent, Président de l’association AMORCE
Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre
Alain Grandjean, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
Géraud Guibert, président de La Fabrique Ecologique
Antoine Guillou, responsable énergie-climat de Terra Nova
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Gilliane Le Gallic, présidente d’Alofa Tuvalu
Véronique Fayet, Présidente du Secours Catholique – Caritas France
Philippe Portier, secrétaire national en charge des questions environnementales, CFDT
Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre