Cet après-midi de fin juin, non loin d’Épinal, l’ambiance est lourde au centre de réinsertion des femmes victimes de violences de Rambervilliers. Les témoignages de plusieurs des résidentes sont poignants. Ils sont révélateurs des violences physiques et psychologiques que vivent aujourd’hui encore des dizaines de milliers de femmes dans notre pays.
Avec plusieurs collègues députés de la délégation aux droits des femmes, nous les écoutons silencieusement. J’éprouve pour ma part une réelle forme de colère et d’impuissance. De la colère parce que la violence m’a toujours été insupportable tant elle est l’expression de la volonté d’établir un rapport par la force de domination sur l’autre, de soumission totale. De la colère face aux injustices que ces femmes ont vécues et qu’elles vivent encore. On sent dans leurs voix les moments difficiles et douloureux qu’elles ont traversés face à des bourreaux qui, pour la plupart, vivent encore en toute liberté. De l’impuissance car les actions mises en œuvre par l’ensemble des acteurs sont nombreuses et, pourtant, ce fléau demeure. Pire, il semble aujourd’hui se développer. Les femmes que nous rencontrons cet après-midi-là ont survécu. D’autres sont décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Depuis le début de l’année, 75 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon.
Depuis le début de l’année 2019, nous comptons 75 féminicides en France. Ceci est tout simplement insupportable.
Ce combat contre les féminicides et les violences conjugales, plus que jamais, nous devons le mener en étant rassemblés. Ce combat ne peut pas devenir une question partisane. Il ne doit pas le devenir. Le sujet n’est pas de savoir si quelqu’un avait raison ou savait mieux que les autres. Le sujet est de savoir comment nous pouvons arriver à mettre un terme à cette tragédie dans notre pays. Comment pouvons-nous, non pas réduire les violences conjugales, mais comment pouvons-nous les éradiquer.
Depuis de nombreuses années, les acteurs associatifs agissent avec détermination sur le terrain en coordination avec les services de l’État, les collectivités territoriales, les services de police et les services de santé. Cette action doit être saluée et nous devons la soutenir. Par ailleurs, depuis 2017, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité présidentielle sont entièrement mobilisés dans le combat contre les violences sexuelles et sexistes. Notamment, via la voix et l’action de Marlène Schiappa, Secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, ce sujet n’est plus un tabou dans notre pays. Pour reprendre une idée forte de Marlène Schiappa, il ne s’agit pas d’un sujet d’ordre privé mais d’un sujet d’ordre public. Ce sujet nous concerne toutes et tous. Il concerne notre République.
Les violences conjugales sont inacceptables, il nous faut agir individuellement et collectivement.
Aujourd’hui, malgré tout ce qui est fait, il nous faut aller encore plus loin dans notre action. Des mesures législatives, nous en avons adoptées. Les budgets dédiés aux associations, nous les avons augmentés. Ce combat, nous l’avons mis dans la lumière en décidant de placer notre société face à ses pires démons et en faisant la grande cause du quinquennat. Ce combat, nous allons maintenant l’accélérer dans tous nos territoires. C’est pour cette raison que Marlène Schiappa a annoncé dimanche dernier la tenue d’un Grenelle des violences conjugales du 3 septembre au 25 novembre. Je soutiens pleinement cette initiative. Ce moment sera important et j’y vois trois grands objectifs afin de renforcer nos dispositifs de prévention, de protection et de sanction.
D’abord, échanger avec l’ensemble des acteurs sur la réalité des violences conjugales dans nos territoires.
Au-delà de l’augmentation des moyens à allouer aux actions à mettre en place, nous devons regarder notre société telle qu’elle est, et tâcher de connaître parfaitement les ressorts de ces violences. Nous devrons notamment regarder l’évolution actuelle des générations les plus jeunes. Ensuite, nous devons faire l’état des lieux de toutes les politiques publiques de lutte contre les violences qui existent, de tous les dispositifs de prévention et de protection des femmes victimes de violences. Nous devons évaluer ce qui marche, ce qui peut être amélioré et ce qui ne fonctionne pas. Enfin, nous devons regarder ce qui peut être inventé pour renforcer notre action dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Ce Grenelle doit être un moment de dépassement des clivages, c’est ce que ce combat exige de chacune et chacun d’entre nous. Les solutions miracles n’existent pas mais la volonté d’agir pour vaincre ce fléau, oui. C’est cette volonté qui doit nous rassembler et nous guider lors de ce Grenelle. Nous le devons à toutes les femmes qui sont victimes de violences. Nous le devons à toutes les femmes qui souffrent et connaissent le long chemin de la reconstruction. Nous le devons à toutes les femmes dont la voix et le regard se sont éteints pour toujours.
Nous le devons pour le devenir de notre société, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.