Je ne comprends pas cette décision. Encore une fois, faute d’anticipation, faute de moyens accordés à la recherche, à l’innovation et la diversification industrielle, une entreprise prend la décision de fermer un site représentant plusieurs centaines d’emplois et un réel savoir-faire, en l’espèce le reconditionnement de moteurs. A l’heure où notre volonté est de développer l’économie circulaire, cette décision m’agace, tout simplement, tant elle est le reflet d’un manque de vision stratégique de la part d’une des plus grandes entreprises de notre pays.
J’échange avec les salariés et leurs représentants, je les écoute et j’entends leurs inquiétudes. J’entends aussi chez certains leur volonté de proposer des solutions et de préparer l’avenir. Les questionnements sont nombreux. Comment en sommes-nous arrivés là ? Le site est pourtant bénéficiaire. Pourquoi cette décision est-elle annoncée la semaine même de la présentation d’un plan de soutien à notre industrie automobile ? Quels leviers activer pour renforcer notre compétitivité ? Pour être de nouveau plus innovants ? Qu’allons-nous faire ensuite ? Comment mener les discussions avec la direction ? Avec l’État ? J’entends ces questions. Elles sont toutes légitimes. Elles sont le témoin des interrogations qui pèsent sur notre politique industrielle depuis plusieurs décennies et dont l’absence de réponse a détruit des territoires entiers.
Les difficultés de l’entreprise Renault sont antérieures à la crise du coronavirus et à la période de confinement. Cette crise est venue amplifier ces difficultés et rendre certains choix inéluctables. Bien entendu, des négociations et des travaux sont ouverts pour trouver des solutions. Mais le mal est déjà fait tant le choc pour les personnes qui vivent ce moment est douloureux. C’est l’histoire de notre modèle industriel depuis la fin des années 1970 et nous ne pouvons plus continuer comme cela. Nous ne pouvons plus continuer à nous poser la question de l’adaptation de notre économie, de nos entreprises et de nos salariés, de nos territoires, du respect de notre environnement, uniquement au moment où une crise surgit. A l’évolution par la destruction de ce qui existe, nous devons préférer le modèle de l’anticipation et de l’adaptation.
Aujourd’hui, au moment où nous retrouvons progressivement la liberté et nos habitudes, nous devons garder à l’esprit les questionnements individuels et collectifs que nous nous sommes posés tout au long de cette période de confinement sur la société dans laquelle nous voulons vivre demain, sur nos solidarités, notre rapport à notre environnement. Nous devons sortir du modèle ultra-productiviste et individualiste qui a dominé ces dernières années pour aller vers un modèle plus sobre et davantage tourné vers l’anticipation ou l’adaptation, vers le bien-être et la bienveillance.