L’instruction à domicile est remise en question par le projet de loi sur les principes de la République. J’ai été interpellé à de nombreuses reprises par des parents pratiquant l’instruction en famille. Ainsi, afin de mieux connaitre et comprendre les enjeux liés à l’instruction en famille / à domicile, j’ai organisé une réunion virtuelle le 11 décembre avec une dizaine de familles qui pratiquent ce type d’enseignement méconnu du grand public. L’enjeu pour moi était de comprendre quelles sont les motivations, les démarches effectuées, les contraintes rencontrées et les contrôles opérés.
Le projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République présenté en Conseil des ministres le 9 décembre comporte différentes mesures sur l’éducation. Plus particulièrement, les articles 21 à 24 concernent la scolarisation obligatoire des enfants entre 3 et 16 ans et diverses mesures visant à renforcer le contrôle sur les établissements d’enseignement privés dites écoles hors contrat.
La scolarisation obligatoire prévue dans le projet de loi
Les lois de 1881 et 1882 dites lois « Jules Ferry » instaure la gratuite de l’enseignement public et l’obligation d’instruction. Plus précisément, l’article L. 131-1 du code de l’éducation dispose que ” l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre trois et seize ans “. Cette instruction peut être donnée dans des écoles publiques ou privés ou dans les familles par les parents ou toute personne de leur choix sans condition de diplôme. Ainsi, si l’école gratuite et laïque n’est pas obligatoire, l’instruction oui.
Aujourd’hui en France, 50 000 enfants seraient concernés par l’instruction à domicile ce qui représente 0,5% des élèves. Ce chiffre est en hausse depuis quelques années (35 000 en 2018 et 41 000 en 2019). Les motivations avancées par les familles pour ne pas scolariser les enfants sont variées : respect du rythme de l’enfant, mode et choix de vie des familles (itinérants), raisons idéologiques, philosophiques ou religieuses, choix pédagogiques, situation de santé de l’enfant (handicap ou phobie scolaire), défiance à l’égard des institutions.
L’objectif principal recherché par la loi est de rendre obligatoire la scolarisation pour tous les enfants entre 3 et 16 ans. L’instruction dans la famille est réservée aux seuls cas pour lesquels la scolarisation de l’enfant est impossible ou pour lesquels la situation particulière de l’enfant justifie une autorisation annuelle d’instruction en famille.
Désormais, l’instruction en famille sera soumise à une autorisation préalable de l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation et ne pourra être accordée qu’en raison d’une part de motifs d’ordre médical ou matériel ou d’autre part de la situation particulière de l’enfant sans que puissent être invoquées les convictions politique, philosophiques ou religieuses de la famille.
La vision des familles faisant l’instruction en famille
- L’annonce du Président de la République lors de son discours du 2 octobre 2020 a été ressentie comme une insulte à l’encontre des parents et des enfants. En effet, supprimer l’instruction à domicile n’est pas, selon elles, une mesure efficace pour combattre l’islamisme radical. Les personnes concernées par l’endoctrinement religieux sont déjà hors radar et non concernées par les contrôles de l’Etat. Depuis cette date, les familles subissent d’ailleurs une forte stigmatisation ;
- L’instruction en famille est un choix de vie et la construction familiale se fait autour de ce principe: respect du rythme et des envies de l’enfant ;
- Même si les enfants ne vont pas à l’école publique ils ont néanmoins une vie sociale lors des activités sportives ou culturelles : les enfants hors des parcours scolaires classiques ne vivent pas en autarcie ;
- La diversité des formes de l’instruction à domicile : l’enseignement peut être fait exclusivement par les parents, ou bien via les cours du CNED ou encore via les enseignements hors CNED ;
- La présence d’un contrôle régulier parfois lourd et contraignant de l’Etat : de nombreux documents sont à donner lors de l’entrée dans l’instruction à domicile et des contrôles sont prévus tous les ans. Les intervenants ont tous considérés que les moyens et outils juridiques existaient déjà ;
- Toutefois, ils préconisent de laisser plus de latitudes aux inspecteurs : seulement 65% de contrôle sont effectués dû à un manque de moyens humains et financiers de l’Etat ;
- Les parents ont fait état de nombreux cas de phobies scolaires : la phobie scolaire est souvent la raison qui a amené la famille à commencer l’instruction en famille ;
- Problème de compétence des médecins généralistes sur leur capacité à détecter une phobie scolaire et ne serait donc pas apte au même titre qu’un psychiatre qui suit un enfant depuis longtemps ;
- Une grosse vigilance a été soulevée par les intervenants : si le projet de loi est promulgué d’ici juin, alors les enfants auront l’obligation d’aller à l’école en septembre 2021 soit deux mois après. Ce temps est trop rapide pour des enfants pour préparer leur intégration ou réintégration dans les établissements scolaires ;
- Manque de sollicitation pendant le confinement : experts de l’instruction à domicile, tous ont regretté de ne pas avoir été sollicités sur les moyens à mettre en œuvre pour l’éducation des enfants ;
Ces échanges m’ont permis de mieux appréhender le choix des familles pour pratiquer l’instruction à domicile. Le plus souvent choisie et rarement subie, l’instruction en famille est un enseignement qui peut sauver des enfants et leur permettre un épanouissement qu’ils ne trouvent pas toujours dans les établissements scolaires. Le texte de loi sera examiné à l’Assemblée nationale dès le mois de janvier 2021. Je vais poursuivre dans les semaines qui viennent mes travaux et mes échanges sur ce texte majeur. Je serai très vigilant sur les discussions et les amendements qui seront proposés et je reste bien entendu disponible pour échanger sur ce projet de loi.