Retrouvez ci-dessous mon intervention:
Seul le prononcé fait foi
Excellences Mesdames et Messieurs les ministres,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs,
Monsieur le Président, cher Ludovic,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
Chers amis,
Je suis particulièrement ravi de vous retrouver ce matin pour l’ouverture de cette 6ème Conférence internationale de Croissance Peace à l’Assemblée nationale, au sein de laquelle les relations entre nos deux continents ont toujours fait l’objet de beaucoup de travaux. Je tiens tout d’abord à remercier Ludovic EMANUELY qui nous rassemble aujourd’hui autour de son engagement, que je sais de longue date et sincère.
“ La vie est une, Monsieur le Président. Qui la découpe en trop petits morceaux n’en peut saisir le visage. Que sait du désert celui qui ne regarde qu’un grain de sable ? ”. Ces mots ce sont ceux que Madame Bâ écrit dans sa lettre au président de la République, dans le livre d’Erik ORSENNA. A travers l’histoire de cette femme, malienne, de la caste des Nomous, qui remplit une demande de visa en France pour retrouver son fils, ORSENNA raconte une réalité et nous transmet une invitation. La réalité, celle du continent africain, de ses richesses mais aussi de ses violences, et de son lien presque fraternel avec notre continent européen. L’invitation, celle à regarder les choses en face, dans leur globalité.
A l’heure d’ouvrir vos échanges, c’est cette invitation que je souhaite saisir. Au fond l’Europe et l’Afrique ont entre eux une collectivité d’avenirs, dans leur entièreté, leur complexité.
Celle-ci trouve sa source dans l’Histoire entre nos deux continents. Celle de ces combattants d’Afrique qui sont venus se battre aux côtés des nôtres au cours des conflits mondiaux au siècle passé, aussi celle des nombreux échanges culturels et commerciaux qui ont nourris nos deux continents. Celle encore de la lutte contre les pandémies qui tuent encore trop sur le continent africain – nous célébrerons demain la journée mondiale de lutte contre le paludisme.
Cette Histoire doit nous permettre une chose : « Oser inviter l’avenir » pour reprendre les mots de Thomas SANKHARA.
Alors pour introduire ces échanges sur nos avenirs partagés, il me paraît intéressant de poser le cadre du monde dans lequel ceux-ci s’inscrivent. Je souhaite donc souligner devant vous deux enjeux majeurs et émettre un vœu.
1) Le premier enjeu est celui de l’enchevêtrement des crises
Alors qu’elles se sont longtemps succédées les unes aux autres, nous observons depuis quelques années un enchevêtrement de celles-ci. Les pays du monde entier, et particulièrement les plus pauvres, font aujourd’hui face à de nombreux défis, partout et en même temps. Laissez-moi en souligner trois principaux :
2) Le second enjeu est celui de la coopération internationale, qui aujourd’hui se voit remise en cause face aux transformations du monde
A l’épreuve des crises, le multilatéralisme s’essouffle, ouvrant la porte de plus en plus grande de la tentation du repli. Les récents conflits nous ont prouvé une forme d’épuisement du multilatéralisme traditionnel. C’est pourquoi il me paraît essentiel d’inventer aujourd’hui un nouveau multilatéralisme, un « multilatéralisme de projet », plus proche des réalités de chaque situation et plus inclusif. Avec l’objectif de favoriser la participation de nombreux acteurs, y compris de la société civile et d’encourager la coopération régionale, nos deux continents doivent être les porteurs de cette vision.
A cela, je souhaite mentionner un défi de taille, qui transforme structurelle notre monde et l’appréhension de ses enjeux : celui de l’expansion – ou l’invasion pour certains- chinoise. La transformation et l’industrialisation massive de la Chine en presque moitié moins de temps que celle des pays européens ne s’arrête pas là : elle s’étend partout dans le monde avec cette soif de croissance. Le continent africain le voit au moins autant que les autres : La Chine est devenue, en vingt ans, le principal bailleur de l’Afrique subsaharienne, détenant 62,1 % de sa dette externe bilatérale en 2020, contre 3,1 % en 2000.
Au milieu, la coopération entre l’Europe et l’Afrique est, j’en suis persuadé, un rempart à cette expansion et ces bouleversements. Plus encore, elle est le moteur de nos avenirs partagés.
3) C’est le vœu que je souhaite émettre devant vous : celui de la coopération.
Cette idée trouve sa source dans un rejet. Celui de ne plus vouloir mesurer, dans une vision ancienne, l’influence de la France en Afrique à travers le nombre d’opérations militaires déployées, ou encore le nombre de marchés économiques intégrés. Cette idée est celle exprimée par le président de la République Emmanuel MACRON à Ouagadougou en 2017 et que nous défendons depuis : la voie du partenariat. Au fond, une relation équilibrée, responsable, et réciproque.
Mais pour aller au-delà des mots et des intentions, il faut agir mieux ensemble pour la construction de la paix et le développement humain, au plus proche des communautés, en coopérant mieux avec les acteurs économiques, universitaires, culturels. Il faut que ce partenariat puisse vivre à travers des femmes et des hommes dont le seul intérêt est notre développement commun – je dirai même notre émancipation.
Car en réalité, chers amis, c’est ensemble, avec cette volonté collective, que nous pourrons « répondre présent à la renaissance du monde », pour reprendre les mots de Léopold SEDAR SENGHOR.
Je vous souhaite d’excellentes discussions et vous remercie pour votre attention.