Ces premiers mots, je commence à les écrire ce dimanche 28 avril au moment de repartir à New York, direction les Nations Unies et la cinquante septième Conférence internationale pour la population et le développement (CPD). Au moment de quitter notre territoire et de traverser l’Atlantique, je suis rongé par les questionnements sur l’état de notre société. Chaque jour, je constate un peu plus les fractures, les clivages nourris d’invectives, les doutes des jeunes générations, les peurs de nos concitoyens déboussolés par les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Comment faire société ensemble dans cette époque ? La tentation du repli sur soi et la crainte de l’autre sont largement véhiculées par nos médias et il n’est pas rare d’être confronté à cet état d’esprit dans nos territoires.
Tout est sujet à l’instrumentalisation politicienne. Tout est sujet à créer un conflit. Tout cela me paraît n’être que pure folie. Comme si nous avions collectivement perdu nos repères et accepté de céder à la tentation de briser notre société. La montée de l’antisémitisme, les discours haineux qui ne cherchent qu’à déshumaniser l’autre et qui remettent ouvertement en cause l’État de droit, font partie des tristes révélateurs de cette crise sociétale. Une crise qui n’est par ailleurs pas propre à notre pays. À aucun moment nous ne devons capituler face à ces discours. Nous devons les combattre politiquement à chaque instant. Le modèle de notre République laïque, notre vie démocratique et notre modèle social sont des chances assez extraordinaires, presque uniques dans le monde dans lequel nous vivons. Cela nous oblige. Il n’appartient qu’à nous de nous engager totalement pour préserver ces biens communs et les améliorer. Je trouve qu’une partie bien trop importante de notre société, et de notre classe politique, ont souvent tendance à l’oublier.
C’est empreint de ces réflexions que je suis arrivé à la Conférence internationale annuelle pour la population et le développement aux Nations Unies en cette fin du mois d’avril. J’y participe avec le Forum parlementaire européen (EPF) et j’y représente la France aux côtés de plusieurs associations au regard des travaux que je conduis sur les droits et santé sexuels et reproductifs notamment. Cette année, celle-ci revêtait un caractère particulier car nous célébrions le trentième anniversaire du programme du Caire. Dans un monde où les crises s’enchevêtrent les unes aux autres, où nombre d’États sont confrontés à des tensions budgétaires sévères, cette conférence nous a permis de réaffirmer nos objectifs pour poursuivre la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) : atteindre l’égalité femmes-hommes, garantir une couverture sanitaire universelle, réduire la pauvreté, réussir le défi de l’adaptation au réchauffement climatique, assurer un monde vivable pour chaque habitante et habitant de la planète. Le renforcement des droits des femmes et des filles, ainsi que la défense des politiques d’accès aux droits sexuels et reproductifs, sont bien entendu au cœur de ces objectifs. Il était fondamental de les réaffirmer lors de ce rendez-vous international important.
Face à la montée de toutes les formes de conservatismes et de radicalismes politiques, j’ai, pour ma part, rappelé à plusieurs reprises le fait que là où le droit à l’avortement n’est pas autorisé de manière libérale, il n’y a pas de respect des droits des femmes, pas d’égalité entre les femmes les hommes, pas de démocratie réelle. Ce combat que nous avons mené en France, il est essentiel de le poursuivre partout à travers le monde et de susciter toutes les coalitions possibles qui permettront de garantir à toutes les femmes le droit de disposer de leurs corps, droit fondamental préalable à toute politique d’émancipation et d’égalité.
J’ai également rappelé l’importance de notre aide publique au développement, de la nécessité de renforcer celle-ci et de lui donner un cadre d’action pluriannuel, ce que nous faisons par ailleurs pour nos politiques de défense, de sécurité intérieure et notre justice. Si depuis 2017, sous l’impulsion du président de la République Emmanuel Macron, nous avons renforcé cette politique internationale comme jamais, force est de constater que les coupes budgétaires annoncées en ce début d’année 2024 ne vont pas dans le bon sens. Au regard du monde dans lequel nous vivons, je pense même que nous faisons là une erreur. Notre politique d’aide au développement est indispensable dans l’accompagnement de nombreux pays et des populations dans la réalisation de leurs politiques de développement et de réduction des inégalités. Elle est par ailleurs indispensable pour assurer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Notre politique d’aide publique au développement nous concerne toutes et tous, presque de façon régalienne. Il est donc primordial que nous arrivions dans les mois qui viennent à réaffirmer le discours que nous avons toujours porté, rappeler en cohérence les objectifs de cette politique et construire un nouveau cadre politique et budgétaire pluriannuel ambitieux, sur le modèle de ce que nous avons fait en 2021 lorsque nous avons adopté la loi de programmation qui court jusqu’à la fin de cette année 2024.
Se battre pour ces politiques, c’est se battre pour la défense des droits humains et les valeurs de notre République. C’est se battre pour les populations les plus vulnérables du monde, mais aussi pour les Françaises et les Français. C’est faire preuve d’humanité et de générosité, mais aussi d’efficacité. La voix et le leadership de la France sont particulièrement attendus. Il est dès lors de notre responsabilité d’en parler et de nous mobiliser. Ne cédons rien à celles et ceux qui agitent les peurs et la tentation du repli sur soi, n’arrêtons jamais de défendre les convictions universalistes de notre pays où que nous soyons. C’est le sens de notre histoire commune, s’en écarter c’est se fourvoyer.
Cette exigence du monde que devons porter, c’est au fond celle de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire de 1994, qui a placé la dignité et les droits des personnes au cœur du développement durable.