Présenté jeudi 10 octobre en Conseil des ministres, le projet de loi de finances 2025 (PLF 2025) esquisse les ambitions budgétaires du nouveau gouvernement pour remédier au déficit public. Je vous invite à retrouver les principales tendances au cœur des débats à l’Assemblée, autour desquels nous aurons l’occasion d’échanger prochainement.
Lors de sa déclaration de politique générale du 1er octobre, le Premier ministre Michel Barnier confirmait sa volonté de contenir le déficit à 5% du PIB en 2025 afin de revenir sous le seuil des 3% à l’horizon 2029. Cette année, le redressement des comptes publics repose sur la feuille de route répartie de la façon suivante : deux tiers de baisse des dépenses (41,3 milliards d’euros) et un tiers de hausse d’impôts (19,3 milliards d’euros).
La philosophie de cette trajectoire budgétaire repose sur les quatre jalons suivants :
- Protéger le pouvoir d’achat des Françaises et des Français, en particulier les plus modestes, les classes moyennes et celles et ceux qui travaillent.
- Préserver la croissance économique et soutenir nos entreprises.
- Préparer notre avenir commun et réduire la dette écologique.
- Assurer la sécurité de nos concitoyens, en consolidant les budgets et effectifs de la Justice [un portefeuille relativement stable qui table sur la poursuite des chantiers immobiliers, notamment le plan de 15.000 places de prison et le renforcement des effectifs pénitentiaires et judiciaires], de l’Intérieur [un budget en augmentation de 600 millions d’euros, dont 300 millions d’euros pour les missions préfectorales] et des Armées [une enveloppe en hausse de 7%].
La protection du pouvoir d’achat des Françaises et des Français
- Indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation afin de neutraliser ses effets sur le niveau d’imposition des ménages.
- Contribution différentielle des plus hauts revenus à un taux minimum de 20% pour les 65.000 foyers fiscaux dépassant un revenu de référence de 250.000€. Cette mesure devrait permettre de dégager 2 milliards d’euros de recettes.
- Hausse de l’accise sur l’électricité en sortie du bouclier tarifaire. Dans un contexte de recul des prix de l’électricité sur les marchés, ce relèvement de la taxe sur l’électricité qui interviendra à compter du 1er février devrait générer 3 milliards d’euros de recettes fiscales en 2025, tout en garantissant une baisse de 9% des factures d’électricité aux ménages bénéficiant du tarif réglementé de vente (TRV).
Ces mesures de justice fiscale seront également complétées par une réduction des niches fiscales et sociales pour lutter contre les effets d’aubaine et améliorer l’efficacité de l’intervention publique.
La contribution des entreprises à l’effort collectif
- Contribution exceptionnelle et temporaire sur le bénéfice de 400 grandes entreprises, avec un taux de 20,6% pour les sociétés atteignant le million d’euros de chiffre d’affaires et 41,2% pour celles dépassant les trois millions d’euros de chiffre d’affaires. Cette mesure permettra d’apporter 8 milliards d’euros en 2025 et 4 milliards d’euros en 2026.
- Report de la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), afin de conserver 1,1 milliards d’euros de recettes l’année prochaine. Le ministre du budget promet également des allégements généraux de cotisations pour inciter les entreprises à rehausser les salaires les plus bas.
- Taxation sur les réductions de capital par annulation d’actions rachetées par les plus grandes entreprises, afin de dégager 200 millions d’euros de recettes.
La participation des collectivités territoriales
La participation des collectivités territoriales au redressement budgétaire est fixée à 12,5% de l’effort global de réduction des dépenses demandé aux administrations publiques (41,3 milliards d’euros). Cette mise à contribution s’élève à 5 milliards d’euros de réduction de dépenses et se traduit par l’instauration de trois ponctions :
- Mis en place d’un fonds de précaution pour les collectivités alimenté par prélèvement de 2% sur les recettes des fonctionnement des collectivités
- Gel du montant transféré de TVA aux collectivités à son niveau de 2024, escomptant une économie de 1,2 milliards d’euros€.
- Baisse du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) de 800 millions d’euros, dont le taux passe de 16,4% à 14,85% et suppression du remboursement au titre « des dépenses d’entretien des bâtiments publics, de la voirie, des réseaux payés et des prestations de solutions relevant de l’informatique en nuage »
Le Fonds vert, destiné à financer la transition énergétique, voit son budget diminué de 60%, passant de 2,5M€ à 1Md€ par rapport au PLF 2024.
Le recalibrage des aides écologiques et de la fiscalité verte
Le redressement des comptes publics revient également à financer les priorités clés du gouvernement en matière de transition énergétique et porter des mesures de verdissement de la fiscalité, en incitant notamment à une plus grande sobriété énergétique et à l’adaptation des tarifs d’accise sur l’électricité.
- Le PLF envisage une augmentation de 2,77 milliards d’euros de crédits en faveur de la « mission Écologie, développement et mobilités durables », celle qui porte les dépenses liées au climat, à la biodiversité, à l’énergie, à la prévention des risques et aux transports
- Renforcement de l’écotaxe sur l’achat de véhicules thermiques neufs les plus polluants (malus CO2 et malus au poids), permettant de récupérer 300 millions d’euros de recettes à partir de 2026.
- Les taux réduits de TVA seront étendus aux réseaux de chaleur à énergie renouvelables afin de décarboner les modes de chauffage, excluant les chaudières à énergie fossiles dont le taux est relevé à 20% sur la facture d’installation.
La transformation de la fonction publique
Concernant la mission « transformation et fonction publiques », une majeure partie des crédits sert à améliorer la performance énergétique et la rénovation des bâtiments de l’État et ses opérateurs. Ces crédits doivent permettre de continuer le déploiement et l’animation du réseau France services sur tout le territoire.
- Les crédits alloués au ministère de la Fonction publique ont été revus à la baisse de 27%.
Dans le cadre de l’audition de Guillaume Kasbarian, Ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique devant la commission des lois, j’ai souhaité interroger le ministre sur les raisons de la baisse des crédits sur son périmètre, les secteurs impactés précisément et connaître les prochaines grandes orientations, notamment concernant le logement des fonctionnaires et la reprise ou non des annonces faites son prédécesseur Stanislas Guerini.
- Le gouvernement envisage la suppression de 2.201 postes de fonctionnaires et réduire de 10% le nombre d’opérateurs d’État d’ici quatre ans. Avec un solde négatif de quelques 2 000 postes, l’Éducation nationale fournit l’essentiel des suppressions d’emplois de fonctionnaires pour l’État et ses opérateurs.
Le budget de la Sécurité Sociale
Parmi les 41 milliards d’euros d’économies du projet de budget 2025, le gouvernement prévoit notamment 14,8 milliards d’euros d’économies portées par la Sécurité sociale et traduites par les mesures suivantes :
- Le report de six mois de la revalorisation des retraites sur l’inflation, attendue à 1,8% en 2025. Cette mesure devrait permettre de rapporter 3,6 milliards d’euros d’économies. Notons par ailleurs la dernière intervention du ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, le 21 octobre 2024, lors de laquelle il se déclarait favorable à la mise en place d’un seuil pour épargner les petites pensions.
- La diminution du remboursement par l’Assurance maladie des consultations médicales, de 70% à 60% selon les types de consultation et abaissement du plafond des indemnités d’arrêt maladie.
- La refonte des allègements de cotisations sociales patronales afin d’atténuer le « phénomène de trappe à bas salaires ».
Une ligne rouge, la santé publique
La diminution des dépenses de l’État se traduit également par une révision des dépenses de l’Aide publique au développement (APD) amputée d’1,3 milliards d’euros, un coup de rabot qui reviendrait à effacer sept années de construction de l’architecture de santé mondiale. Ce rétropédalage s’ajoute à la désaffectation du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) des recettes des taxes sur les transactions financières (TTF) et sur les billets d’avions (TSBA). Parce que l’Aide publique au développement constitue un instrument privilégié pour financer la lutte contre les pandémies, contre le réchauffement climatique et en faveur des droits humains fondamentaux, je porte un amendement au PLF 2025 visant à réattribuer le produit de ces taxes à l’APD, ce qui permettrait, à terme, de sanctuariser le Fonds de solidarité au développement.
De manière analogue, l’Aide médicale d’État (AME) relève d’enjeux sanitaires et de santé publique primordiaux. La suppression de ce dispositif, dont le recours ne concerne que la moitié des ayants droit, entraînerait de lourdes conséquences sur nos finances publiques – en raison d’une prise en charge de soins avancés qui serait d’autant plus coûteuse pour les hôpitaux publics, et nous exposerait à un risque galopant de propagation épidémique.
Dans le cadre d’un chemin pluriannuel, la pérennisation des portefeuilles régaliens doit rester au cœur de notre démarche budgétaire et constituer la boussole des débats parlementaires dans les semaines à venir.
Pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à consulter la plateforme du ministère chargé du budget et des comptes publics.