Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Chers collègues,
Nous examinons aujourd’hui la proposition de résolution du groupe La France insoumise « tendant à la création d’une commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France ».
Le bon déroulement des élections est évidemment fondamental dans une démocratie, qui doit s’appuyer sur un processus fiable, avec des règles claires et précises et identiques pour toutes et tous.
Parmi les arguments qui pourraient causer des dysfonctionnements constatés dans les bureaux de vote, vous pointez à juste titre la lourde organisation qui incombe aux collectivités territoriales, renforcée par les délais très contraints des élections législatives anticipées. Inscriptions sur les listes, tenue des bureaux, présentation des affiches et lutte contre l’affichage sauvage, mise sous pli, dépouillement…ces élections anticipées ont représenté un véritable défi logistique pour nos municipalités qui ont su le relever. Aussi, je tiens ici à saluer l’engagement, le sérieux et le professionnalisme de l’ensemble des agents municipaux, des élus et des bénévoles qui ont participé à la bonne organisation de ces élections.
Si je comprends votre intention, et au fond celle-ci peut nous permettre d’améliorer encore l’organisation des élections en anticipant certains sujets qui sont soulevés depuis plusieurs années, je m’étonne que vous passiez sous silence certains sujets qui mériteraient d’être évoqués. Par exemple, vous n’évoquez nullement le sujet de l’accès au financement de campagne, de la formation des mandataires financiers et de l’accès à un expert comptable pour l’établissement des comptes de campagne, ou bien encore celui du contrôle des moyens qui peuvent être utilisés par des collectivités, des entreprises ou des associations durant les élections pour appuyer des candidatures. Et j’en oublie certainement. S’il y en a un qui me tient à cœur, c’est bien la dégradation volontaire et systémique de l’affichage officiel, véritable fléau démocratique.
Pour rappel, depuis la loi du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, il est formellement interdit pour une personne morale (commune, département, association ou entreprise) à l’exception des partis ou groupements politiques de financer une campagne électorale d’un candidat ni lui concéder des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects.
Les outils de propagande électorale représentent de vrais sujets sur lesquels il faut faire toute la lumière pour garantir la conformité de nos règles de financement de campagne.
Notre système de financement de campagnes est robuste, transparent et évite la course aux fonds privés avec des sommes astronomiques, comme on le voit aux Etats-Unis. Je pense que nous pouvons nous en féliciter.
Certes, certains arguments que vous soulevez s’entendent et méritent d’être évoqués, comme la problématique de recrutement et de formation des assesseurs. Je tiens d’ailleurs à remercier et saluer une nouvelle fois tous les bénévoles qui s’investissent à chaque élection en donnant de leur temps et font vivre notre démocratie. Et j’insiste sur le caractère bénévole qui devrait être davantage communiqué au grand public. La difficulté que nous rencontrons aujourd’hui pour recruter des bénévoles dans les bureaux de vote est une vraie problématique et il nous faut réfléchir à des moyens pour susciter des volontés d’engagement. Développer de nouveaux outils à l’attention de nos collectivités également.
Des progrès ont été faits ces dernières années pour faciliter le devoir citoyen, par exemple pour les procurations. Depuis 2022, mandant et mandataire n’ont plus besoin d’être inscrits sur la même liste électorale.
Des améliorations futures sont bien sûr à envisager pour améliorer notre système de vote et lutter contre la grave abstention dans notre pays et nous n’y sommes absolument pas opposés.
Par ailleurs, je vous le dis, le calendrier que vous proposez pour la création de cette commission d’enquête interpelle alors même que nous sommes toujours en période de vérification des comptes de campagne et de contrôle de la conformité des résultats. Aussi cette commission peut paraître un peu précipitée. Si nous actons sa création, je vous demanderai d’être vigilant à ce que cette commission se prolonge au-delà de ces périodes de recours afin d’avoir connaissance des observations qui seront faites de l’ensemble des recours.
Pour rappel, l’article 59 de notre Constitution précise que le « Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs ». « Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales » d’après l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
Cette contestation se fait devant le Conseil constitutionnel jusqu’au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l’élection.
A l’heure actuelle, le Conseil constitutionnel a été saisi de 81 recours contre les résultats des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024. Ils sont en train de tomber au fur et à mesure.
En outre, il s’agit aussi d’attendre le retour de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sur la validation des comptes de campagnes, dont la date limite de dépôt était le vendredi 6 septembre dernier pour les élections législatives.
Les résultats sont en cours de publication.
Notre groupe ne voit donc pas d’objection à la création de cette commission d’enquête mais tient à poser ces quelques conditions :
Je vous remercie.