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Madame la Présidente,
Madame la ministre,
Monsieur le président,
Mesdames les rapporteures,
Chers collègues,
Le sujet que nous abordons aujourd’hui est certainement l’un des plus graves de notre société, un sujet qui questionne celle-ci dans la profondeur de son intimité, dans ses stéréotypes sexistes, ses injustices structurelles entre les femmes et les hommes que nous ne pouvons plus accepter, dans ses violences les plus insupportables et destructrices. Ce sujet, c’est celui d’un outil de domination, c’est celui de la définition d’un crime, c’est celui de la définition pénale du viol. Et, bien au-delà, c’est la question même de la culture du viol que nous évoquerons et notre volonté d’y mettre un terme.
Cette culture est une réalité et je souhaite ici avoir une pensée pour toutes les victimes de ce fléau. Cette culture n’est pas la faute des femmes, ni même celle des étrangers, thèse fallacieuse chère à l’extrême-droite. Elle est d’abord le problème des hommes, il faut le dire, les chiffres parlent d’eux-mêmes, et de notre société dans son ensemble qui est enfermée depuis toujours dans les codes du patriarcat. Des codes qui ont habitué les hommes, génération après génération, à s’approprier le corps des femmes sans jamais se questionner sur leur consentement. C’est là d’ailleurs, entre parenthèse, le préalable à l’invisibilisation des femmes. N’oublions pas que la criminalisation du viol ne remonte qu’à 1980, la reconnaissance du viol conjugal comme circonstance aggravante à 2006 et que notre droit n’a toujours pas tiré un trait définitif sur la conception archaïque du devoir conjugal, comme le rappelle un récent arrêt de la CEDH.
Pour une large majorité d’entre nous, nous partageons la volonté que tout soit mis en œuvre pour renforcer nos outils pour lutter contre le viol, pour mieux accueillir, accompagner et protéger les victimes. Pour mieux sanctionner les auteurs aussi. Cela passe par plus de moyens, par une meilleure formation des professionnels. Cela passe par la mise en place des cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Cela passe par une déconstruction des mythes sur la façon dont un viol se déroule, sur la façon dont les victimes devraient se comporter avant, pendant et après le viol, sur le consentement de manière générale, sur la responsabilité des victimes dans leur viol et donc la déresponsabilisation des auteurs. La victime est victime. Elle n’est en rien responsable du crime commis par l’auteur qui, en tant qu’agresseur, est le seul responsable du viol. Un non est un non, un oui extorqué n’est pas un oui consenti, se rétracter à tout moment est un droit, un silence n’est pas un oui et il n’existe pas de zone grise de l’excuse.
Cela passe aussi par l’amélioration de la définition pénale du viol. Cette définition a une histoire singulière. Elle est le fruit d’un long combat féministe que nous ne devons jamais oublier et dont nous devons transmettre la mémoire. Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’avancer et d’apporter des réponses aux défaillances que nous pouvons observer concernant les trois grandes fonctions de cette définition pénale du viol : Dans sa dimension répressive, protectrice et expressive. La notion de consentement qui est au cœur de tous les procès, doit être reconnue par notre droit.
Mes chers collègues, face à la gravité de ce phénomène dans notre pays qui voit une femme y être victime toutes les 2min30 d’un viol ou d’une tentative de viol, notre responsabilité est d’avancer sur ce sujet dans toutes ses dimensions. Selon le dernier rapport du HCE, 47% des garçons estiment que les filles s’attendent à ce que les rapports sexuels impliquent une agression physique, 25% des hommes estiment que lorsqu’une femme dit non, c’est qu’elle veut dire oui. Ces données, qui sont une réalité, sont révélatrices du mal profond qui imprègne notre société. Aussi, face à ce fléau insupportable, quelques semaines après le verdict du procès dit de Mazan, qui aura été a bien des égards le procès de cette culture du viol, quelques mois après l’élection à la présidence des Etats-Unis d’un homme condamné pour agression sexuelle qui représente pour certains un modèle politique à suivre, et pour qui cette condamnation n’est visiblement qu’un fait anecdotique, et au moment même où nous vivons le procès Depardieu où la stratégie choisie par la défense interpelle tant elle est basée sur l’instrumentalisation des codes de la domination masculiniste, nous devons agir. Nous devons tout mettre en œuvre pour sortir de cette culture de la soumission et de la domination, pour passer à une culture du consentement.
C’est tout le travail qui a été conduit de manière transpartisane et sereine, sérieuse et approfondie par nos deux co-rapporteure, Mesdames Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin.
Chères collègues, je tiens à saluer la très grande qualité de vos travaux qui vous ont permis d’aboutir à cette proposition de loi que nous avons adoptée la semaine dernière en commission des lois à une très large majorité après y avoir intégré plusieurs recommandations importantes faites par le Conseil d’Etat. Une proposition qui, tout en introduisant la notion de non-consentement, conserve les quatre critères coercitifs de la définition actuelle. Une proposition qui permet d’apprécier l’absence de consentement au regard des circonstances environnantes tout en précisant les cas où le consentement ne saurait être déduit, et ce en garantissant toujours les grands principes de notre droit.
Le groupe EPR soutiendra cette proposition de loi avec les modifications apportées en commission. Une proposition de loi essentielle pour la protection des victimes de viol mais, bien au-delà, pour l’ensemble de notre société et son avenir. Car oui, bâtir une société qui repose sur le consentement, c’est bâtir une société qui repose sur l’écoute et l’attention de l’autre, une société plus juste et respectueuse de chacune et chacun. C’est bâtir une société plus apaisée, plus solidaire, plus durable. Et c’est bien de cette société féministe que nous voulons.
Je vous remercie.