
Madame la Présidente,
Madame la ministre,
Monsieur le Président de la commission des Lois,
Monsieur le rapporteur, cher Hervé,
Chers collègues,
Plus de trois ans et demi sépare le dépôt de ce texte mémoriel et son adoption par notre Assemblée pour la deuxième fois je l’espère à l’issue de son examen dans quelques instants. Un texte important portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982. À ce titre, je tiens à saluer la démarche initiale du sénateur Hussein Bourgi à l’origine de cette loi, votre combativité sans faille sur ce texte Monsieur le rapporteur. Je pense aussi à l’engagement de nos deux anciens collègues, David Valence et Raphael Gérard.
Et si ce combat sur ce texte, chers collègues, peut nous paraître un peu vain, nous ne lâcherons rien.
Parce que Gisèle Halimi, Raymond Forni, Robert Badinter entre autres ont tenu à l’époque, pour faire abroger les dispositions iniques qui avaient cours avant 1982.
Pour rappel, la pénalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe a été réintroduite dans le droit français le 6 août 1942 sous Vichy en alignant l’âge de la majorité sexuelle sur celui de la majorité civile pour les seules relations homosexuelles. L’arsenal répressif fut même complété par l’ordonnance du 25 novembre 1960, qui créa une circonstance aggravante en cas d’outrage public à la pudeur, lorsque celui-ci était commis avec une personne du même sexe.
Après l’amnistie des personnes condamnées grâce à la loi de 1981, le législateur a abrogé en 1982 ce qui s’appelait à l’époque un « acte impudique contre nature avec un individu de son sexe mineur de vingt et un ans ».
En l’espace d’une quarantaine d’années, ces dispositions auraient conduit à la condamnation d’au moins dix mille personnes, dont 93 % à des peines de prison.
Aujourd’hui est un jour pour se rappeler et un jour pour combattre. Une journée pour regarder en face ce que Robert Badinter nommait à cette même tribune en décembre 1981 lors de la dépénalisation de l’homosexualité « l’idéologie, la pesanteur d’une époque odieuse de notre histoire ».
Ainsi, le groupe Ensemble pour la République a voté en commission des Lois chaque amendement déposé par Monsieur le rapporteur visant à rétablir la proposition de loi dans sa version tel qu’adoptée en première lecture par notre Assemblée. Sur le titre, sur la réécriture de l’article 1er pour reconnaître la responsabilité de la « Nation » en incluant les lois répressives de la période vichyste. En effet, comme l’a explicité Monsieur le rapporteur, ce bornage chronologique n’empêche pas de distinguer clairement le régime de Vichy et les Républiques ultérieures, tout en considérant qu’il existe bel et bien un continuum de la répression de l’homosexualité. Toutes celles et ceux qui ont subi le marquage infame et inhumain du triangle rose doivent être reconnus, à l’instar de ce qui a été fait pour les autres victimes de la cruauté nazie, grâce à la Commission pour la restitution des biens et l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites. Nous avons donc soutenu la réintroduction de l’article 3 pour permettre aux personnes d’obtenir une réparation financière, notamment grâce au travail d’identification que mènera la commission, rétablie par l’article 4.
Nous ne lâcherons pas parce que le contexte actuel nous l’interdit. D’après les services du ministère de l’Intérieur, en 2024, les infractions anti-LGBT+ enregistrées par les services de police et de gendarmerie nationales ont progressé de 5 % sur un an pour atteindre 4 800 infractions.
Si nous sommes heureusement sortis de l’oppression systémique organisée par les lois de la République en France, nous vivons toujours dans un climat où les LGBTphobies prospèrent, et sont même renforcées par des agendas politiques internationaux réactionnaires.
Si cette loi est principalement mémorielle, nous devons en parallèle tout faire pour honorer notre devoir de mémoire et parer les générations futures de ces phénomènes de stigmatisation. Par l’éducation principalement, au travers de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle.
Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui deux textes fondamentaux pour notre mémoire collective. J’aurai par la suite l’honneur de rapporter, aux côtés de Marietta Karamanli, le texte visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées ayant eu recours à l’avortement avant 1975, que nous avons adopté en commission des Lois lundi.
Nous avons célébré en 2022 le 40e anniversaire de la dépénalisation de l’homosexualité. Et nous célébrons cette année le 50e anniversaire de la loi Veil. N’attendons pas de commémorer un millénaire pour agir.
Pour terminer, je voudrais paraphraser notre ancien collègue David Valence lors du premier examen. Cette loi nous permettra de, je cite « croiser sereinement, en pensée, les regards de cette longue cohorte de victimes humiliées et violentées, parfois jusqu’à la mort sociale, avec le sentiment que justice est enfin sur le point d’être rendue ».
C’est une journée pour la mémoire et pour la défense des droits humains.
Soyons-en dignes.