Il est 9 heures ce mardi 28 janvier. La rue s’agite de toute part. Un sentiment d’immensité domine. La réalité des inégalités sociales et économiques est à visage découvert, à chaque mètre. Dans cette rue de Manille, où je suis en déplacement en tant que président du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, nous visitons avec mes collègues européens un centre local du planning familial philippin accompagné de nos partenaires associatifs locaux. Nous déambulons dans ce quartier pauvre où l’humanité semble tenter de survivre. Mais il est incroyable de constater que l’optimisme et les projets de développement sont bien présents et qu’ils ont une incidence bien concrète pour les locaux. Nous échangeons avec les habitants, avec les travailleurs, les femmes, les enfants. Nous discutons avec les responsables de l’antenne locale du centre du planning familial philippin qui effectuent un travail remarquable avec les personnels soignants, les animateurs et les jeunes volontaires. Ce qu’ils font est extraordinaire. Leur humanité, leur solidarité et leurs sourires sont inspirants. Leur croyance en l’avenir aussi.
Durant cette semaine passée à Manille, nous avons alterné ces visites de terrains avec des moments d’échanges avec les autorités philippines, les ONG locales et internationales, ainsi qu’avec nos homologues parlementaires Philippins. Lors de la conférence de presse de fin de déplacement, une question nous a été posée que je me dois de vous partager. Qu’allez-vous dire, raconter, à vos concitoyens à votre retour dans votre pays ? Question simple et efficace. Ma réponse, sincère et engageante, je veux vous la partager.
Ce que nous avons vu durant cette semaine, c’est d’abord une population et une société civile philippines pleines d’énergie. Les défis auxquels les Philippins font face sont nombreux. Inégalités économiques criantes, exposition aux risques environnementaux parmi les plus élevée de la planète, corruption, poids de la religion sur l’ensemble de la société, etc. On ne peut imaginer depuis la France les combats que cela représente. Et cette société les conduit avec détermination malgré les carcans de la religion. Cette énergie j’en rentre nourri. Dans une société française vieillissante qui, elle, en manque cruellement et cède peu à peu à certaines peurs infondées et instrumentalisées, je tiens à vous la partager. Nous n’avons pour notre part pas le droit de baisser les bras.
Ensuite, nous avons rencontré sur place des alliés, des parlementaires et des organisations de la société civile avec qui nous partageons nombre de valeurs et de combats pour le droit des femmes et des enfants, pour la reconnaissance et le développement des droits sexuels et reproductifs. Nous avons beaucoup à apprendre des uns et des autres. Nous avons tout particulièrement des combats en commun à porter contre les mouvements ultra-conservateurs, masculinistes et anti-choix. Durant cette semaine, il était d’ailleurs instructif d’observer que la vie politique philippine est actuellement confrontée aux mêmes attaques envers l’éducation complète à la vie affective et sexuelle que celles que nous connaissons nous-mêmes actuellement en France. Des attaques qui sont construites autour de logiques similaires, des mêmes mots, des mêmes fausses informations développées et diffusées par ces mouvements. Face à cette submersion des idées réactionnaires et identitaires – qui en l’espèce est le mot qui doit ici être utilisé ici – nous devons, nous les progressistes et les féministes, nous rassembler et mener ensemble nos combats communs pour une société plus juste. Nous devons le faire en échangeant, en nous formant. Nous devons le faire dans nos pays respectifs et sur la scène internationale. Et même si nous affrontons actuellement des vents contraires forts, nous ne devons pas céder. Nous devons défendre et partager nos convictions et nos projets car ils permettent d’améliorer concrètement la vie de chacune et de chacun.
Le dernier point que je tiens à mettre en avant au retour de ce déplacement, c’est que contrairement à ce que la pensée dominante cherche à nous imposer actuellement, la solidarité internationale est plus que jamais une priorité absolue. La majorité des leaders politiques met aujourd’hui en avant la nécessité absolue de soutenir activement la hausse des investissements dans nos infrastructures et matériels de défense. Il s’agit de politiques importantes, nécessaires pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Mais ces politiques ne peuvent être exclusives. C’est ce qui est en train de se passer actuellement malheureusement. Je pense pour ma part qu’un autre chemin est possible. Un chemin fait d’équilibres. Si nous voulons construire un monde plus juste et plus durable, plus apaisé aussi, nous devons aussi mettre la priorité sur les outils de solidarité internationale et la réussite des objectifs de développement. Notre monde n’est au fond qu’un village dans lequel nous sommes tous liés les uns aux autres. Et contrairement à ce que nous faisons actuellement dans nombre de pays, sans parler du retrait quasi total de l’Amérique de Trump des dispositifs d’aides internationales au développement, nous devons revoir l’ordre de nos priorités. Il faut le faire maintenant. C’est ce que nous devons aux générations futures, tout particulièrement.
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