“Monsieur le Président,
Messieurs les ministres,
Madame la présidente de la commission spéciale,
Mesdames et messieurs les rapporteurs,
Mes chers collègues,
Après plus de 70 heures de débats en commission spéciale et plus de 7000 amendements discutés, nous voici réunis pour poursuivre nos travaux en séance. Si la commission n’a pas réussi à terminer l’examen du texte dans son ensemble, tous les sujets y ont été abordés et discutés. Nous avons notamment pu réaffirmer notre engagement à revaloriser les revenus des enseignants et des enseignants chercheurs, l’importance de mieux prendre en compte les aidants familiaux et les parents ayant des enfants en situation d’handicap, notre volonté d’améliorer les droits familiaux. Nous avons aussi apporté des précisions nécessaires concernant les règles de fonctionnement du futur système universel de retraite. Nous avons notamment précisé que l’indicateur de référence qui permettra de revaloriser la valeur du point reposera sur la moyenne par tête des revenus d’activité, c’est-à-dire des salaires du privé, des traitements des agents de la fonction publique et des revenus des indépendants et des libéraux.
Cet indicateur sera toujours bien plus favorable que l’indexation sur l’inflation en vigueur depuis 30 ans et il confortera notre système par répartition fondé sur le travail et l’activité. Au-delà, chacune et chacun a pu défendre lors de nos travaux en commission son projet de société. Je ne doute pas que ces échanges vont se poursuivre dans les semaines qui viennent et nous irons au bout de ces débats car c’est ce que nous devons à tous nos concitoyens et concitoyennes.
Chers collègues, comme bon nombre d’entre vous, je suis attaché à notre modèle de retraite. Mais j’ai toujours eu conscience que dans son fonctionnement actuel, il n’était que l’ancrage définitif de toutes les inégalités structurelles de notre pays, sans que personne ne s’en émeuve réellement. Un système dans lequel la pension moyenne des femmes est 42% inférieure à celle des hommes. Un système dans lequel celui qui a fait des études et eu une carrière linéaire ascendante part tôt à la retraite avec une pension élevée, quand celui qui n’a pas fait d’étude et a connu une carrière hachée part à la retraite tard avec une pension de misère pour quelques années de vie restante. Un système aux 42 régimes devenu totalement illisible. Un système qui pour être à peu près à l’équilibre nous demande de réformer durement ses paramètres tous les 4-5 ans. Un système dans lequel la défiance des Français envers leurs institutions et eux-mêmes ne cesse de croître. Il est devenu au fur et à mesure des années injuste et déconnecté des réalités de notre société.
Ce système, même si nous y sommes habitués, nous ne devons plus l’accepter et nous devons le changer.
Bien entendu, les débats sont vifs. C’est normal, il s’agit de notre modèle social. Le systèmeuniversel vise à pérenniser notre système de retraite par répartition qui repose sur la solidarité intergénérationnelle en le rendant démocratiquement plus lisible et plus transparent, en garantissant les mêmes droits à tous nos concitoyens, ce qui n’est pas le casaujourd’hui. Il ne vise en aucun cas à préparer la mise en place d’un système de retraite par capitalisation, ce qui ne serait de toute manière techniquement et budgétairement pas faisable. Il vise par ailleurs à renforcer la solidité budgétaire de notre système de retraite et à mettre fin au cycle interminable des réformes paramétriques que nous connaissons depuis trente ans. Enfin, il ne vise pas à conforter la position de celles et ceux qui ont le plus, mais bien au contraire à réduire en profondeur les inégalités de notre société en permettant à tous nos concitoyens d’accéder à l’intégralité de leurs droits. Le système universel de retraite nous permettra de réduire les nombreux effets anti-redistributifs du système actuel, de mieux prendre en compte les aspirations à la mobilité de nos concitoyens, de mieux prendre en compte la pénibilité de certains métiers, la construction progressive des fins de carrières, la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes.
Nous l’assumons et je tiens ici à saluer mes collègues de la majorité pour leur travail sur ces mesures, et tout particulièrement nos deux responsables du groupe La République En Marche, Catherine Fabre et Monique Limon.
La création de notre nouveau système de retraite demande par ailleurs la mise en place d’une gouvernance paritaire. Elle sera confiée aux partenaires sociaux sous le contrôle du Parlement. La mise en place de ce système demande aussi que nous travaillons sur la période de transition de notre système actuel vers le nouveau système. Cette transition sera longue et s’étalera sur plus de 15 ans. Nous devons assumer et expliquer ce choix responsable. Sur ce point, je me félicite de la solution retenue par le gouvernement, le choix de la clause dite à l’italienne avec laquelle les Français à cheval sur les deux régimes auront l’option la plus protectrice de leurs droits. Enfin, notre nouveau système de retraite demande la définition de règles budgétaires claires qui garantissent l’équilibre du système dans la durée. Ces règles sont inscrites dans le projet de loi organique que nous avons adopté en commission. Je tiens d’ailleurs à préciser que la loi organique inscrira également dans le marbre le fait que la valeur du point ne pourra pas baisser et que les parlementaires rentrerons dans le nouveau système dès le 1er janvier 2022.
Mes chers collègues, notre pays a l’un des modèles sociaux les plus solides au monde mais nous pouvons encore l’améliorer. Personnellement, je me suis engagé en politique car notre pays s’était habitué depuis trop longtemps à certaines injustices et avait arrêté sa quête d’émancipation et de progrès. Je me suis engagé en politique car je ne pouvais plus accepter la résignation de notre société à ne plus lutter contre les inégalités dans le seul but de ne pas perturber certains ordres établis. Alors oui, ce projet est exigeant et difficile, et nous devons le porter avec détermination et convictions. Et même s’il ne nous permet pas de réparer toutes les inégalités de notre société, il nous permet de reprendre enfin notre marche vers l’universalité des droits, vers la construction d’une République plus juste, plus solidaire, plus fédératrice et plus fraternelle. C’est ce que nous devons à nos concitoyennes et concitoyens, c’est ce que nous devons aux fondateurs de la Sécurité sociale, c’est ce que nous devons aux générations qui nous succéderons.
Je vous remercie.”