Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le président,
Madame la rapporteure,
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Danièle Obono « tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics ». Cette proposition de loi prévoit que toute démarche administrative doit pouvoir être réalisée de manière non dématérialisée si l’usager le souhaite ; l’administration devant garantir un accès physique à ce service.
Sur l’importance de maintenir plusieurs modalités d’accès aux services publics, nous rejoignons complètement le constat de la rapporteure. L’accélération de la transformation numérique de l’administration et la dématérialisation des services publics représentent une révolution dans les mentalités et les pratiques. Ces deux phénomènes conjoints de la modernisation de l’État entraînent une évolution profonde de la relation à l’usager. Comme vous le soulignez Madame la rapporteure, certaines de nos concitoyennes et certains de nos concitoyens rencontrent des difficultés dans l’utilisation des outils numériques. L’illectronisme toucherait en effet 15% de la population et le rapport de la Défenseure des droits, que vous citez une dizaine de fois, souligne les risques en termes d’accès aux droits. Nous ne pouvons accepter que nos concitoyennes et concitoyens entretiennent une relation subie avec le numérique. Donc nous continuons à agir contre la fracture numérique et considérons le numérique comme un moyen de simplification pour l’accès aux services publics qui ne remplace pas un guichet physique mais va de pair.
Madame la rapporteure, vous évoquez les espaces Frances services. Afin d’assurer l’accès aux services publics à moins de 30 minutes pour toutes et tous, avec un accompagnement personnalisé pour les démarches de la vie quotidienne, le Président de la République a annoncé la généralisation de ce dispositif en avril 2019. Vous dites que « les objectifs fixés sont très loin d’être atteints » et parlez d’une « arnaque de ce service public dégradé ». Pourtant, l’objectif affiché en 2019 était de 2500 labellisations avec l’implantation d’une Maison Frances services par canton d’ici fin 2022. D’après le rapport de l’étude annuelle du Conseil d’État sorti en septembre 2023 sur « L’usager, du premier au dernier kilomètre » que vous ne citez pas l’objectif est atteint avec 2 543 espaces Frances services. 99% des Français sont ainsi à moins de 30 minutes d’une Maison France Services. Le Conseil d’État précise qu’il s’agit d’un « vrai succès à consolider » et que « les usagers des Maisons en sortent satisfaits à 93% ». Loin de « la déshumanisation du système » que vous évoquez, ces Maisons France Services assurent une proximité et une accessibilité des services publics partout sur notre territoire. Pour nos concitoyennes et concitoyens les plus éloignés, des « Bus France services » sont mis en place, sorte d’administrations itinérantes au plus près des habitants, dans une logique « d’aller vers ».
Vous expliquez dans l’exposé des motifs que « la numérisation sert une politique de casse du service public ». Nous y voyons au contraire un progrès pour un meilleur accès aux services publics et pour garantir l’effectivité des droits. C’est tout le sens de la solidarité à la source qui prévoit le versement automatique des prestations sociales. Cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron se décline aujourd’hui à travers l’expérimentation des « territoires zéro non-recours » et par l’affichage sur la fiche de paie du montant social net.
De plus, le dispositif « Dites-le nous une fois » s’inscrit dans cette même logique de lutte contre le non-recours aux prestations et de simplification des démarches. Pour que les usagers ne soient pas dans l’obligation de redonner plusieurs fois les mêmes informations à l’administration, ce dispositif facilite l’échange de données entre les différents services. Pourtant, alors que la loi 3DS vise à accélérer ces démarches de simplification pour nos concitoyennes et concitoyens, le groupe LFI a voté contre l’année dernière.
Enfin, vous soulevez à juste titre que la couverture numérique des territoires n’est pas homogène sur le territoire. C’est pourquoi le déploiement de la fibre optique est amplifié et s’accélère grâce au plan France Très Haut Débit avec pour objectif sa généralisation en 2025.
En un mot, la numérisation des services publics n’est pas synonyme de dématérialisation intégrale, encore moins de « cache‑misère de la destruction du service public », mais plutôt de simplification d’accès. Elle va de pair avec un accueil physique, humain, gage de solidarité et d’inclusion pour les publics les plus vulnérables. Dans notre pays, les services publics jouent un rôle essentiel et entretiennent le lien social. Continuité́, égalité́, adaptabilité́ sont les principes du service public, qu’il soit physique ou numérique.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition de loi.