Seul le prononcé fait foi
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Madame la rapporteure,
Chers collègues,
Nous examinons à présent la proposition de loi « tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics » déposée par La France Insoumise dans le cadre de la niche parlementaire du groupe.
L’intensité des débats que nous avons eus en Commission des lois témoigne de l’importance du sujet. En effet, la numérisation des services publics touche directement nos concitoyens et l’accès aux droits est une thématique majeure de notre société, pilier de notre République sociale.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, nous rejoignons le constat de la rapporteure sur l’importance de maintenir plusieurs modalités d’accès aux services publics. Mais si nous avons rejeté cette proposition de loi en commission, nous maintenons le rejet en séancepuisque c’est justement le cap que nous poursuivons depuis 2017. Nous n’opposons pas numérique et physique mais envisageons le premier comme un moyen de simplification complémentaire du second.
En ce sens, les propos tenus en commission et aujourd’hui même qui fustigent la dématérialisation des services publics parce qu’elle dégraderait la relation à l’usager insufflent l’idée d’un certain « c’était mieux avant ». Je tiens à saluer l’intervention exemplaire de notre collègue Marie Agnès Poussier Winsback en commission et regrette comme elle le mythe d’un âge d’or fantasmé qui guide aujourd’hui la position de certains de nos collègues. « C’était mieux avant », mais de quoi parle t-on ?
Non ce n’était pas mieux avant. Le numérique permet une modernisation de l’État et de nos services publics. Une grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens qui ont une pratique volontaire du numérique voient leurs démarches administratives simplifiées. La dématérialisation renforce leur autonomie. L’accès numérisé à certains services publics est facilité, en témoigne l’utilisation massive de France Connect. Je pourrai aussi citer le dispositif « Dites le nous une fois » qui facilite la circulation des données entre les administrations pour éviter aux usagers de fournir une énième fois des informations qu’ils ont déjà données. Mais vous semblez vous opposer à cette simplification des usages puisque votre groupe a voté contre la loi 3DS l’année dernière qui visait justement à développer le dispositif. Ce texte représente un retour en arrière pour la grande majorité de nos concitoyens qui privilégient le canal numérique et s’affranchissent ainsi de contraintes horaires inhérentes aux guichets physiques.
Non ce n’était pas mieux avant. Le numérique permet de garantir l’effectivité des droits et limite le non-recours. Ou pour citer l’étude annuelle du Conseil d’Etat sur le dernier kilomètre de l’action publique : « Le recours au numérique présente un immense potentiel de développement pour limiter le non-recours. » C’est tout le sens de la solidarité à la source qui prévoit le versement automatique des prestations sociales.
Loin de la remplacer, le numérique appuie l’administration pour ne laisser aucun de nos concitoyens sur le côté. En ce sens, 60 millions d’euros ont été investis pour rendre les 250 sites de démarches administratives les plus utilisés accessibles aux personnes en situation de handicap et des sanctions sont prévues pour le non-respect des exigences d’accessibilité.
Non ce n’était pas mieux avant parce qu’avant il n’y avait qu’un seul canal pour joindre l’administration. Aujourd’hui, sur plus de 200 millions de sollicitations traitées par un agent : 43% l’ont été par le téléphone, 32% par le numérique, 15% par le physique et 10% par courrier. Preuve s’il en est que votre proposition de loi est largement satisfaite puisque les services numériques les plus utilisés poursuivent l’objectif gouvernemental d’une alternative non-numérique, donc un guichet physique, d’ici décembre 2024.
Dans quel passé plus ou idéalisé les usagers bénéficient-ils d’un accès multicanal pour garantir l’effectivité de leurs droits ? Les 2 543 espaces France Services représentent un succès que nous continuerons à développer, en élargissement le bouquet de services délivrés. 99% des Français sont ainsi à moins de 30 minutes d’une Maison France Services et 93% des usagers des Maisons sont satisfaits de la qualité des services. Les conseillers numériques France services ont notamment pour mission d’aider les usagers vers l’autonomie, en leur donnant des clefs pour réaliser leurs démarches via le numérique. Ces agents peuvent ainsi se focaliser sur les situations administratives plus complexes et subvenir aux besoins de nos concitoyennes et concitoyens qui en ont le plus besoin. Je tiens à remercier ici les milliers d’agents France services qui accompagnent chaque jour nos concitoyens dans la réalisation de leurs démarches et qui sont les visages de nos services publics.
Enfin, nous continuerons à déployer la fibre optique sur le tout le territoire grâce au plan France Très Haut Débit.
Non, la dématérialisation n’est pas un « cache-misère de la destruction du service public ». Les principes du service public « continuité, égalité, adaptabilité » sont garantis. Il ne s’agit pas d’opposer le numérique et le physique mais de tirer le meilleur de ces deux canaux pour répondre dans un délai raisonnable, dans une démarche de qualité, aux demandes de nos concitoyennes et concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance ne pourra pas soutenir cette proposition de loi. Toutefois, Madame la rapporteure, je vous demande une suspension de séance à la finie cette discussion générale afin que nous évoquions quelques points de cette proposition de loi, si vous le voulez bien.
Je vous remercie.