En mars 2022, la Commission européenne a présenté sa proposition de directive sur la lutte contre « la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ». La directive comporte deux volets, l’un pénal et l’autre sur l’accompagnement et la protection des victimes. La directive vise notamment à ériger en infractions pénales une série d’actes et de comportements, comme les mutilations génitales féminines et la cyberviolence. La proposition de directive prévoit aussi la mise en place d’une assistance juridique et sociale gratuite, d’une assistance téléphonique disponible 24h/24 et 7J/7 dans toutes les langues de l’UE ou encore l’aménagement du contrat de travail de la victime.
Durant les échanges, l’article 5 de la proposition de directive a fortement cristallisé les débats. Cet article 5 vise à créer la base d’une infraction commune du viol à tous les États membres construite sur l’absence de consentement. Cette définition s’appuie sur la rédaction de la convention d’Istanbul. En votant cet article, les États membres se mettraient en conformité avec cette convention qui est la référence internationale dans la prévention des violences faites aux femmes. La France a par ailleurs ratifié cette convention et l’Union européenne y a elle-même adhéré en juin 2023 afin de permettre une harmonisation des législations de ses 27 États membres.
Lors des discussions au Conseil de l’Union européenne, cet article 5 a été supprimé sous l’impulsion de plusieurs États, dont la France, l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne. Le gouvernement Français la justifie par le fait que les évolutions du code pénal ne relèvent pas de la compétence des institutions européennes. Autrement dit, ce n’est pas dans les prérogatives de l’Union européenne que de modifier le code pénal des États membres. Au regard du sujet et de notre combat dans la lutte contre les violences faites aux femmes, cette position de l’Etat français est cependant fort regrettable. Il est à noter que les eurodéputés de notre groupe Renew au Parlement européen ont voté en faveur de l’intégration de cet article 5, position largement partagée par les députés Renaissance à l’Assemblée nationale.
Alors que les discussions en trilogue s’achèvent, notre déplacement à Bruxelles avait pour objectif de bien cerner les détails de ce projet de directive et d’identifier les points de blocages autour de l’article 5 et de la définition du viol. Il s’agissait également pour nous de mieux comprendre les enjeux sociétaux qui se cachent derrière l’introduction de la notion de consentement dans la définition juridique du viol et la méthode employée par les États qui sont parvenus à faire évoluer leur définition du viol dans ce sens au cours des dernières années.
Premier rendez-vous de la journée, nous avons échangé avec l’équipe de l’European Parlementary Forum (EPF), dont je suis membre du conseil d’administration, qui nous a présenté ses derniers travaux concernant les droits des pays européens en termes de santé sexuelle et reproductive. Ils ont récemment travaillé sur un atlas qui référence la situation des pays concernant la vaccination contre le papillomavirus. Je remercie chaleureusement les équipes de l’EPF pour leur accueil et leur expertise sur ce sujet et leur avis concernant la directive européenne. Nous avons d’ailleurs profité de ce rendez-vous pour acter l’organisation d’une prochaine présentation publique de leurs travaux à l’Assemblée nationale le 18 mars prochain.
Après un échange avec l’ONG European Women’s Lobby (EWL) qui milite pour que la France vote la directive en intégrant l’article 5 sur le viol, nous avons visité le Commissariat d’Etterbeek. Le Bourgmestre Vincent De Wolf, le Président du centre public d’action sociale (SPAS), Arnaud Van Praet et le Chef de Corps de la zone de police Montgomery, Michael Jonniaux nous ont ainsi expliqué le fonctionnement belge des services d’aides aux victimes de violences faites aux femmes, en ciblant le déploiement de leur projet EVA (Emergency victim assistance), qui permet un accueil des victimes accessible 24h sur 24 et 7 jours sur 7.
De retour au Parlement européen, nous nous sommes réunis avec les eurodéputés du groupe Renew Irène Tolleret, Guy Lavocat, Karen Melchior et Sylvie Brunet qui sont engagés sur le suivi de cette directive. Ces derniers nous ont fait part de leur incompréhension, voire de leur consternation face à la position négative de la France de bloquer l’intégration d’un article sur le viol. Un tel blocage pourrait notamment avoir pour conséquence de ne pas contraindre douze pays de l’Union européenne de se doter enfin d’une réelle législation sur le viol.
Dernier temps de la journée, l’évènement organisé par le groupe Renew « Women shaping the EU after 2024 » avait pour objectif d’évoquer la place fondamentale des femmes au sein des instances européennes, aujourd’hui et en vue des prochaines élections européennes. Dans un panel 100% féminin, aux côtés de María Soraya Rodriguez Ramos, députée européenne espagnole et rapporteure pour le groupe Renew sur la proposition de directive, Véronique Riotton a réalisé un point d’étape sur la mission d’information en cours à la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, sur la définition pénale du viol, dont elle est rapporteure et qui souligne la nécessité d’opérer un changement sur la définition actuelle. Elle a également rappelé le soutien des parlementaires Renaissance aux eurodéputés Renew et sa mobilisation pour infléchir la position de la France.
L’évènement a été clôturé par Valérie Hayer, Présidente du groupe Renew, qui nous a fait part de sa détermination pleine et entière pour continuer la lutte contre les violences faites aux femmes.