Aux côtés de l’ONG Equipop, j’ai participé à la présentation du rapport du Fonds des Nations Unies pour la population concernant l’état de la population mondiale par Diene KEITA, directrice générale adjointe du FNUAP. Je vous invite à retrouver ci-dessous le détail de mon intervention lors de cet événement.
Le rapport est accessible via ce lien.
Seul le prononcé fait foi.
Excellence Madame la Directrice adjointe, très chère Diene,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, chers collègues,
Mesdames et Messieurs les directrices et directeurs,
Chers amis,
Permettez-moi d’ouvrir cet événement en vous disant le plaisir qui est le mien de vous accueillir ici à l’Assemblée nationale. Un plaisir à deux égards particuliers, au moins.
- Le premier est celui de vous recevoir ici chère Diene. Je sais votre attachement à notre pays et à ses valeurs. A notre pays, parce que vous avez fait vos études et vécue ici. A ses valeurs, parce que je vous sais profondément humaniste, engagée en faveur des populations les plus vulnérables, et féministe.
- Le second est de nous réunir autour du lancement de ce rapport et du sujet majeur de l’avenir des populations. A ce titre, permettez-moi de partir d’un constat simple mais que l’on oublie souvent : les décisions que nous prendrons aujourd’hui créerons le monde dans lequel nos enfants vivront. Cela peut paraître banal de le dire, mais cela signifie que nous avons la responsabilité de choisir deux chemins : celui de prendre nos responsabilités et faire en sorte que nos décisions changent le monde de nos enfants, ou bien nous tourner vers le repli, le conservatisme ou encore la résignation et abandonner les générations futures. C’est au fond selon moi ce qui sous-tend ce travail essentiel que vous avez conduit.
Car oui, mesdames et messieurs, chers amis, le monde auquel nous appartenons fait face à de nombreux défis, qui viennent directement remettre en cause l’avenir des générations futures et plus particulièrement les droits et santé sexuels et reproductifs.
D’abord, je veux souligner l’enchevêtrement de ces défis auxquels nous devons faire face partout et en même temps :
- Sur le plan climatique. En 2020, pour la première fois de notre histoire, plus de personnes ont été déplacées en raison du réchauffement climatique, que pour des causes de guerres et de conflits.
- Sur le plan démographique. En 2022, la population mondiale a atteint 8 milliards d’individus, et elle devrait augmenter de 2 milliards dans les trente prochaines années. Symbole de cette explosion démographique, l’Afrique devrait doubler et rajeunir sa population en l’espace de trente ans. Avec un milliard d’habitants en 2010, le continent devrait atteindre les 2,5 milliards d’habitants en 2050. En parallèle, la population européenne est composée de 500 millions d’habitants. Plus marquant encore, en Europe nous comptons plus de décès que de naissance. Autrement dit, la population européenne croit grâce à l’immigration.
- Sur le plan sanitaire, où la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une nouvelle pandémie mais bien quand.
Ensuite, nous devons faire face a la tentation du déclinisme et du populisme. Partout, nous voyons les mouvements conservateurs monter, s’organiser, se financer et remettre en cause les droits et la santé sexuels et reproductifs. A tel point qu’aujourd’hui notre préoccupation et souvent de sauver ce que nous avons acquis, plutôt que de conquérir de nouveaux droits.
Enfin, j’observe face à cela une remise en cause croissante du multilatéralisme. A l’épreuve des crises, le multilatéralisme s’essouffle, ouvrant la porte de plus en plus grande de la tentation du repli. Les récents conflits nous ont prouvé une forme d’épuisement du multilatéralisme traditionnel.
Alors si ce constat peut paraître désespérant, je veux nous appeler collectivement à une forme de « responsabilité optimiste » : celle de devoir construire l’avenir, avec à l’esprit que les décisions ou les actions que nous prenons ici ont un impact à la fois aujourd’hui à des milliers de kilomètres mais aussi demain pour nos enfants. Permettez-moi donc en ouverture de nos échanges, de vous partager deux pistes de réflexions et un espoir.
La première est qu’il me paraît essentiel d’inventer aujourd’hui un nouveau multilatéralisme, un « multilatéralisme de projet », plus proche des réalités de chaque situation et plus inclusif. Avec l’objectif de favoriser la participation de nombreux acteurs, y compris de la société civile et d’encourager la coopération régionale. Le FNUAP et ses partenariats, comme avec Equipop, en sont l’exemple parfait.
La seconde est que nous devons maintenir nos financements sur nos priorités et notamment en matière de droits et de santé sexuels et reproductifs en ayant en tête deux points qui me paraissent cardinaux :
- Investir dans la santé et les droits sexuels et génésiques produit des bénéfices importants, non seulement en termes de bien-être individuel, mais aussi en termes de développement social et économique. Il permet de réduire la mortalité maternelle, d’éviter les grossesses non désirées et de donner aux gens les moyens de faire des choix éclairés concernant leur corps et leur avenir. La légalisation de l’avortement sans conditions partout dans le monde permettrait d’éviter plus de 39 000 décès et 7 millions d’hospitalisations chaque année.
- Aujourd’hui, de nombreux pays connaissent des difficultés budgétaires et les financements devront être partagés entre les différentes crises sanitaires, climatiques et conflictuelles. C’est pourquoi il faut passer à la vitesse supérieure. Premièrement, en diversifiant les sources de financement et en programmant nos investissements sur le long terme. Nous devons inciter les gouvernements, les donateurs et les organisations internationales à donner la priorité et à augmenter le financement des programmes de santé sexuelle et reproductive. Il s’agit à la fois de l’allocation nationale et de l’aide internationale. Deuxièmement, en changeant d’approche. Les mécanismes de financement doivent être conçus de manière à garantir l’équité, l’accessibilité et la durabilité, en particulier dans les communautés à faible revenu et marginalisées. Cela nécessite une approche holistique qui porte non seulement sur les services de santé, mais aussi sur l’éducation, l’égalité des sexes et les déterminants sociaux de la santé.
Aussi, l’espoir que je formule donc est que l’ensemble des forces humaines que vous représentez sache réinventer le monde pour les générations à venir.
Voilà les quelques mots que je voulais vous partager et je ne serai pas plus long car je crois qu’il est désormais important d’entendre celles qui chaque jour œuvrent à la construction de ce monde-là.
Je vous remercie.