Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Chers collègues,
Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi constitutionnelle portée par notre collègue Pierre Dharréville et le groupe GDR.
Ce texte vise à inscrire après l’article 1er de notre Constitution un nouvel article dédié spécifiquement à la sécurité sociale, sous prétexte que l’institution fondamentale de notre République sociale ne serait pas suffisamment préservée.
Or, notre modèle de sécurité sociale est d’ores et déjà protégé à un niveau juridique extrêmement robuste, puisqu’il appartient justement au bloc de constitutionnalité. En effet, et vous le relevez vous-même dans votre proposition de loi, notre modèle de solidarité nationale est consacré par le Préambule de 1946 à l’alinéa 11 qui précise que la Nation, je cite, « garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. ». En outre, ce même alinéa souligne le « droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Enfin, les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale sont très justement déterminés par la loi, comme le souligne l’article 34 de notre Constitution, ce même article faisant aussi référence aux lois de financement de la sécurité sociale expressément mentionnées.
L’objet même de cette proposition de loi constitutionnelle est donc selon nous déjà satisfait.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’intérêt réel de la proposition de loi que vous portez. Il peut apparaître que loin de vouloir protéger notre modèle social, et donc nos concitoyennes et nos concitoyens, votre volonté est plutôt de figer totalement notre système. En cela, et alors même que notre attachement collectif à notre modèle de sécurité sociale est total, la vision que nous avons de notre société, de ses évolutions et des dispositifs de solidarités à mettre en œuvre divergent fortement. Notre système d’assurance maladie de 2024 est bien éloigné de celui qui existait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Et pour cause, notre société, dans toutes ses dimensions, a profondément évolué. Notre système a évolué, a su prendre en compte la tertiarisation de notre économie, les changements d’habitude, les évolutions sociales et sociétales et les différents modes de vie. Le vieillissement de notre population aussi et le fait qu’on entre plus tardivement dans la vie professionnelle. De la prise en considération des accidents du travail à la généralisation du tiers payant, du Revenu minimum d’insertion au Revenu de solidarité active en passant par la création de la carte vitale jusqu’à l’avènement de « Mon espace santé » pour partager les documents numériquement, pour ne citer que quelques changements majeurs. Et nous travaillons aujourd’hui au déploiement d’un système de solidarité à la source. Cher collègue Benjamin Lucas (député du groupe Ecologiste), on aura vu mieux comme projet de casse social…. Et j’oublie, faute de temps, beaucoup d’évolutions.
Alors aujourd’hui, oui, il nous faut continuer de moderniser notre modèle social. De l’adapter. De lui permettre de prendre en charge de nouveaux risques sociaux, comme le grand âge par exemple. Mais pour cela, il faut sortir de la caricature et du déni, déni à la fois budgétaire et écologique.
Cher collègue, j’ai lu attentivement l’exposé des motifs de votre proposition et je trouve que vous manquez d’esprit critique par rapport à certaines inégalités qui demeurent dans notre système, notamment vis-à-vis des femmes et vis-à-vis de toutes les personnes qui connaissent des carrières hachées. Un système qui a été pensé au lendemain de la Seconde guerre mondiale par et pour les hommes. Enfin, cher collègue, je vous le dis également, se poser la question du financement de notre modèle, ce n’est pas être ultra-libéral. C’est être au service de l’intérêt général, regarder la réalité de notre époque et tout mettre en œuvre pour pérenniser ce modèle.
C’est ce que nous évertuons à faire depuis 2017, et ce malgré les crises que nous avons dû affronter. Des crises où, contrairement à ce que vous laissez entendre, nous avons fait le choix d’une réponse reposant non pas sur le libre marché mais sur la solidarité nationale.
Au-delà de ces débats de fond, il est vrai passionnants, je vous redis ici la position de principe du groupe Renaissance concernant les révisions de notre Constitution. Nous ne souhaitons pas toucher à la Constitution, à notre texte fondamental, par petits bouts. Certes, il nous faut sans cesse actualiser notre contrat social, comme cela a été fait il y a quelques mois maintenant avec l’introduction de la liberté garantie de recourir à l’IVG, ou répondre à certains enjeux d’organisation territoriale, ce que nous faisons avec la Nouvelle-Calédonie et ce que nous nous apprêtons à faire pour la Corse. Mais pour le reste, il nous faut engager une révision constitutionnelle d’ampleur, sur le modèle de celle que nous avions entrepris en 2018. On ne révise pas la Constitution sans un travail de concertation de longue haleine. C’est pourquoi nous avons redéposé les mêmes amendements que ceux que nous avions portés en 2018 et c’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.
Je vous remercie.