En commission des lois, j’ai pris la parole en tant que Responsable pour le groupe Ensemble pour la République sur la proposition de loi déposée par Aurore BERGE pour renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Je vous invite à retrouver le détail de mon intervention ci-dessous.
Monsieur le président,
Madame la rapporteure,
Mes chers collègues,
Chaque année plusieurs centaines de milliers de femmes et d’enfants sont victimes de violences de la part d’un proche ou d’un ex-conjoint dans notre pays. Cette réalité est le fruit de la société patriarcale dans laquelle nous vivons depuis toujours. Elle s’est encore manifestée, ces derniers mois, au cours du procès des 51 violeurs de Gisèle Pélicot où nous avons pu entendre des propos intolérables des avocats de la défense, et qui sont l’exemple malheureusement parfait de ce qu’est la banalisation des violences sexuelles et la culture du viol. C’est cette réalité qu’il nous faut regarder en face et combattre.
Cette proposition de loi, rédigée par Aurore Bergé, que je tiens à saluer pour son engagement permanent dans ce combat, vient s’inscrire dans la continuité de plusieurs autres lois adoptées depuis 2017. Elle est importante dans la philosophie qui la guide, celle de considérer la lutte contre les violences faites aux femmes comme un prérequis non négociable à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle est également importante au regard des mesures qu’elle propose et qui nous semble aujourd’hui indispensable de retranscrire dans notre droit :
- D’abord, à travers ses deux premiers articles, en proposant l’imprescriptibilité civile des viols commis sur des mineurs et en élargissant le dispositif de prescription glissante pour les majeures victimes de crimes ou de délits sexuels. Concernant le premier point je proposerai avec d’autres collègues, de reconnaître également l’imprescriptibilité pénale de ces crimes et délits, il s’agit d’une mesure attendue par les victimes de crimes et délits sexuels survenus lors de leur enfance. Concernant le deuxième point, il s’agit d’une mesure qui s’inscrit dans le prolongement de la loi Billon que nous avons adoptée en 2021 qui nous permettra de mieux protéger les victimes majeures en prenant mieux en compte la sérialité et la récidive des crimes commis. L’objectif poursuivi par ces deux premiers articles est de permettre à toutes les victimes, quels que soient leurs parcours, quel que soit le temps qu’elles mettront pour briser l’omerta autour des violences qu’elles ont vécues, ou pour surmonter la dure réalité d’une amnésie traumatique, de pouvoir rechercher et obtenir une réparation. Ces personnes n’ont plus à « prendre perpète » pour les crimes qu’elles ont eu à vivre.
- Ensuite, à travers son troisième article, en introduisant dans le code pénal la notion de contrôle coercitif. C’est la première fois que nous sommes amenés à aborder ce sujet dans notre commission et nous nous en félicitons. Nous n’arriverons certainement pas à dégager une rédaction finale aujourd’hui mais il est essentiel que nous arrivions à soulever les nombreux questionnements qui se posent autour de cette notion, et les travaux du collège thématique de la Cour de Cassation qui devraient être rendus d’ici juin, seront éclairants tout au long de la navette parlementaire. En l’espèce, la rédaction proposée est la reprise des arrêts prononcés par la magistrate Gwenola Joly-Coz dont je tiens ici à saluer l’engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces arrêts ne peuvent être retranscrits tels quels dans le droit (c’est ce qui ressort des auditions) mais ils sont le début d’une reconnaissance dans le droit français, par la jurisprudence, d’un mécanisme théorisé par le sociologue Evan Stark en 2007 et qui est déjà criminalisé dans plusieurs pays, en Angleterre, en Ecosse ou bien encore au Canada. Cette notion, qui vient compléter celle d’emprise en se plaçant non plus du côté de la victime et des conséquences de la violence, mais du côté de l’auteur, en s’appuyant sur l’analyse de son comportement, permet de mieux cerner les mécanismes à l’œuvre dans les violences intrafamiliales et d’identifier les signaux faibles à la commission des violences physiques. Elle permet aussi d’appréhender plus justement la période post-séparation où la violence se perpétue et peut atteindre un niveau de dangerosité extrême voire le féminicide. Il nous appartient maintenant de définir un cadre clair de la mise en place de ce système criminel. Nous faut-il créer une infraction spécifique, autonome ? Nous faut-il le définir comme une circonstance aggravante ? Ou, plutôt, le contrôle coercitif étant une clé de compréhension globale des violences sexuelles, ce qui nous conduirait à revoir en profondeur la manière dont notre code pénal aborde et organise les violences sexuelles et sexistes, ainsi que les violences intrafamiliales ? Nous débutons aujourd’hui nos travaux sur ce sujet majeur et je suis convaincu que nous y arriverons. Par voie d’amendement, en séance, je tiens à signaler que le groupe EPR proposera que le contrôle coercitif puisse être pris en compte dans l’établissement de l’ordonnance de protection.
Mes chers collègues, alors même que la semaine que nous vivons est marquée par l’investiture de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, alors même que la période que nous traversons voit l’explosion des discours anti-droits et masculinistes, le dernier rapport annuel du HCE publié cette semaine sur l’état du sexisme en France en atteste d’ailleurs, nous devons continuer de porter ces combats et redoubler de vigilance comme nous invite à le faire Gisèle Halimi, que vous citez dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Ces mots, ces combats nous ne les oublions pas et nous comptons continuer de les faire vivre dans notre pays et à l’international à travers notre diplomatie féministe. Cette proposition de loi en est une brique.
Au-delà des débats juridiques que la proposition de loi qui nous occupe va susciter, elle adresse en ces temps de crises un message fort à toutes les femmes et enfants victimes de violences. A elles toutes, à eux tous, nous leur disons qu’elles ne sont pas seules, qu’ils ne sont pas seuls. Nous leurs disons que rien ne nous arrêtera dans notre combat pour l’éradication des violences intrafamiliales, des violences sexistes et sexuelles. Rien ne nous arrêtera dans notre volonté de construire une société dans laquelle l’égalité entre les femmes et les hommes devienne une réalité, et les droits des femmes pleinement reconnus.