Mercredi 27 mars, après 18 mois de concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux, Olivier Dussopt, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’action et des comptes publics, a présenté en Conseil des ministres le projet de loi relatif à la transformation de la fonction publique. Je souhaite revenir ici sur ce texte majeur de cette première partie du quinquennat, texte dont j’ai la responsabilité d’organiser les travaux au sein du groupe La République En Marche aux côtés de la rapporteure Émilie Chalas.
A peine de texte présenté, j’ai pu lire ces derniers jours plusieurs contre-vérités concernant ce projet de loi, certains annonçant la fin du statut de la fonction publique, d’autres critiquant un soi-disant statut quo. Je pense pour ma part que si on est attaché au bon fonctionnement de nos services publics et aux agents publics qui assurent leur fonctionnement, qu’ils soient titulaires de la fonction publique ou contractuels, on se doit de regarder avec attention ce que ce projet de loi contient réellement et non pas le caricaturer de manière dogmatique sans même l’avoir lu, étudié ou discuté.
La première question que l’on peut se poser c’est pourquoi ce projet de loi arrive maintenant ? Le service public, ce sont les agents publics, qui sont présents dans la vie de chaque Français. Plus de 5 millions d’agents (2,45 millions fonctionnaires d’Etat, 1,18 million de fonctionnaires hospitaliers, 1,9 million de fonctionnaires territoriaux) sont au service de nos concitoyens, dont près de 9 sur 10 à leur contact direct. Par leur engagement et leur professionnalisme, ils contribuent au quotidien à la cohésion sociale et territoriale de notre pays. Or, depuis de nombreuses années, trop de normes et de lourdeurs entravent leur action et le bon fonctionnement des services publics. Les premiers à le dire sont les agents eux-mêmes.
Face à l’évolution rapide de leurs métiers, le sens de leurs missions et de leur engagement doit être aujourd’hui conforté. Face à un statut qui ne leur offre pas suffisamment la reconnaissance et les perspectives professionnelles escomptées, de nouvelles attentes se font jour pour aller vers une fonction publique plus attractive et plus réactive, des parcours professionnels plus diversifiés et une plus grande prise en considération de la qualité de vie au travail.
La deuxième question que l’on doit se poser est quel est l’esprit qui anime cette réforme et quel est son contenu ? Tout en réaffirmant son attachement au statut des fonctionnaires, à ses valeurs et au principe d’une fonction publique de carrière qui le sous-tend, nous souhaitons avec ce texte aller plus loin dans la modernisation de ce statut, et mettre à la disposition des agents et des services publics de véritables leviers qui leur permettent de mieux exercer leurs missions.
L’ambition du gouvernement et de la majorité parlementaire à travers ce projet de loi est de promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics ; de développer les leviers managériaux pour une action publique plus efficace ; de simplifier et garantir la transparence et l’équité du cadre de gestion des agents publics ; de favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles ; de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail.
Le projet de loi : détail des mesures par titre
1. Promouvoir un dialogue social plus stratégique dans le respect des garanties des agents publics
- Renforcer la gouvernance de la fonction publique, par un dialogue social mieux structuré au niveau inter-fonctions publiques et prenant davantage en compte la diversité des employeurs publics territoriaux (art. 1er) ;
- Prévoir une nouvelle faculté de saisine du seul Conseil commun de la fonction publique et modifie la composition du Collège des employeurs territoriaux du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale pour une meilleure représentation (art. 2) ;
- Créer une instance unique pour développer une vision intégrée des enjeux d’organisation et de fonctionnement des services, des politiques de ressources humaines et des conditions de travail (art. 3)
- Réformer profondément la cartographie et les compétences des commissions paritaires, pour se centrer sur le disciplinaire et les situations individuelles les plus délicates (art. 4) ;
- Offrir à chaque agent qui le souhaite, la possibilité d’être assisté par un conseiller syndical dans l’exercice des recours sur des décisions individuelles défavorables (art. 4) ;
- Renforcer la place de la négociation collective, au niveau national et au niveau des services déconcentrés, des collectivités territoriales et des établissements de santé, en consacrant une portée juridique aux accords majoritaires conclus (art. 5).
2. Transformer et simplifier la gestion des ressources humaines pour une action publique plus efficace
- Professionnaliser la procédure de recrutement de contractuels pour garantir l’égal accès aux emplois publics (art. 6);
- Diversifier les viviers de recrutement sur les emplois de direction des trois versants de la fonction publique, en élargissant notamment les possibilités de recours au contrat (art. 7);
- Créer un nouveau CDD, le « contrat de projet », pour la mise en œuvre d’opérations limitées dans le temps, et dont la durée exacte ne peut être connue à l’avance (art. 8) ;
- Laisser aux établissements publics de l’Etat le choix de leur politique de recrutement, en leur permettant, sur l’ensemble de leurs emplois, de recruter des fonctionnaires en position d’activité ou des contractuels (art. 9) ;
- Au sein de l’Etat, élargir les possibilités de recours au contrat sur les emplois de toutes catégories A, B et C lorsque les fonctions ne nécessitent pas de formation spécifique préalable ou qu’elles requièrent des compétences spécialisées ou nouvelles, ou lorsqu’il n’y a pas de candidature de fonctionnaires ; ces contrats peuvent être directement conclus pour une durée indéterminée (art. 9) ;
- Permettre aux communes de moins de 1000 habitants, et à leurs groupements, de recruter par voie de contrat sur l’ensemble de leurs emplois permanents (art. 10) ;
- Supprimer le recours abusif à la vacation dans la fonction publique territoriale, en autorisant plus largement le recrutement de fonctionnaires ou de contractuels sur des besoins à temps non complet et en permettant aux centres de gestion de recruter pour le compte de plusieurs collectivités des agents contractuels pour pourvoir des emplois à temps non complet (art. 10) ;
- Déconcentrer les mutations de fonctionnaires au plus près des territoires, en supprimant la compétence des commissions paritaires sur ces mouvements (art. 11) ;
- Supprimer la notation au profit d’une évaluation objective des mérites et des résultats des agents dans les trois versants de la fonction publique (art. 12) ;
- Mieux reconnaitre l’engagement professionnel dans la rémunération des fonctionnaires et contractuels et développer l’intéressement collectif (art. 13) ;
- Déconcentrer les procédures d’avancement et de promotion professionnelle, tout en tenant mieux compte de la diversité des parcours professionnels et des besoins des services (art. 14) ;
- Harmoniser l’échelle des sanctions disciplinaires applicables dans les trois versants de la fonction publique (art. 15).
3. Simplifier et garantir la transparence et l’équité du cadre de gestion des agents publics
- Renforcer l’équité et l’efficacité du contrôle déontologique, corollaire de l’encouragement aux mobilités public-privé (art. 16) ;
- Améliorer le cadre de travail des agents publics, ainsi que leur santé et sécurité au travail (art. 17) ;
- Mettre fin aux pratiques dérogatoires à la durée légale du travail, notamment dans la fonction publique territoriale (art. 18) ;
- Renforcer la transparence et l’information du Parlement et, plus largement, des agents et des employeurs publics territoriaux sur les actions conduites par le centre national de la fonction publique territoriale (art. 19) ;
- Fusionner les centres de gestion de la fonction publique territoriale, sur la base du volontariat, pour améliorer la qualité du service rendu (art. 19) ;
- Déconcentrer les actes de gestion du personnel, pour les rapprocher au plus près de la réalité du terrain, dans la fonction publique hospitalière (art. 20).
4. Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des agents publics dans la fonction publique et le secteur privé
- Garantir la portabilité du compte personnel de formation en cas de mobilité entre secteurs public et privé (art. 21) ;
- Mieux structurer l’appareil de formation, et renforcer l’offre de formation et de qualification dans les trois versants de la fonction publique, avec la mise en œuvre d’un plan d’action spécifique pour les agents les moins qualifiés, ou en situation de handicap, ou exposés aux risques d’usure professionnelle (art. 22) ;
- Supprimer les freins juridiques ou financiers à la mobilité des agents, notamment par la neutralisation du différentiel de contribution employeur pour les droits à pension des agents publics (art. 23) et la possibilité pour les fonctionnaires de changer de ministère ou d’établissement public tout en restant en position d’activité (art. 24) ;
- Permettre la portabilité du CDI, en cas de mobilité des agents entre les trois versants de la fonction publique (art. 25) ;
- Créer un dispositif de rupture conventionnelle au bénéfice des agents en CDI, afin de favoriser les secondes carrières, et l’expérimenter pour les fonctionnaires dans les trois versants (art. 26) ;
- Garantir à tout agent dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’une restructuration, un reclassement sur un nouvel emploi au niveau local ou, s’il le souhaite, un accompagnement RH et financier pour poursuivre sa carrière dans le secteur privé (art. 27) ;
- Protéger les agents en cas de changement de périmètre des services publics, par la mise en place d’un dispositif de détachement automatique en cas de transfert de l’activité exercée vers le secteur privé (art. 28).
5. Renforcer l’égalité professionnelle dans la fonction publique, en premier lieu l’égalité entre les femmes et les hommes en application de l’accord majoritaire du 30 novembre 2018 en
- Rendre obligatoire pour les employeurs publics la mise en œuvre de plans d’actions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la suppression des écarts de rémunération, sous peine de sanctions financières (art. 29) ;
- Créer au sein de tous les employeurs publics un dispositif de signalement des violences sexistes et sexuelles, ainsi que des cas de harcèlement (art. 29) ;
- Etendre le dispositif des nominations équilibrées entre les femmes et les hommes à un plus grand nombre d’emplois de direction, sous peine de sanctions financières (art. 30) ;
- Garantir la mixité des jurys et comités de sélection dans la fonction publique (art. 31)
- Supprimer le jour de carence pour les femmes enceintes et garantir le maintien des primes et indemnités lors des congés de maternité, de paternité et d’adoption (art. 32) ;
- Maintenir les droits à avancement et à promotion pendant cinq ans pour un congé parental ou une disponibilité pour élever son enfant, afin de neutraliser l’impact des interruptions sur les déroulements de carrière (art. 33) ;
- Garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux avancements de grade et promotion au choix, et assurer la transparence sur les agents promus au regard des viviers d’agents promouvables (art. 33)
- Renforcer la formation et la mobilité des agents en situation de handicap, et expérimenter la mise en place de dispositifs de promotion professionnelle innovants (art. 34 et 35) ;