Dans la continuité des épisodes judiciaires de ces dernières années, la Cour de cassation a rendu le vendredi 12 mai 2023, deux arrêts très attendus sur la compétence universelle. Saisie sur deux affaires syriennes, la Cour s’est prononcée sur deux, des trois conditions cumulatives qui entourent cette compétence afin de savoir si la France peut juger ou non des criminels de guerre internationaux.
Elle a estimé que « les conditions requises sont réunies pour que la justice française puisse mettre en examen les ressortissants syriens mis en cause pour des actes commis en Syrie à l’égard de membres de la population syrienne ». Les pourvois ont par conséquent été rejetés.
Toutefois, malgré l’interprétation souple retenue par la Cour de cassation, il apparaît nécessaire de revoir les critères de la compétence universelle prévus à l’article 689-11 du code de procédure pénale afin de permettre à la France de se doter des moyens nécessaires pour juger les auteurs ou leurs complices, coupables de crimes qui portent atteintes à l’humanité toute entière. C’est pourquoi, j’ai déposé une nouvelle fois et avec le soutien de l’ensemble des députés Renaissance, une proposition de loi visant à supprimer les deux premières conditions afin de garantir une meilleure effectivité de la compétence universelle sur le territoire. La première, n’ayant pas été examinée en première lecture à l’Assemblée nationale avant les élections législatives de juin 2022, est devenue caduque.
L’agression illégale et non provoquée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine en février 2022 réactive le sujet de la compétence universelle. Aucun des deux États n’étant signataire du traité de Rome, la France doit avoir les outils juridiques pour lui permettre de juger les crimes internationaux commis par la Fédération de Russie dans ce conflit armé.
La compétence universelle s’inscrit dans la lignée du Statut de Rome, entré en vigueur le 1er juillet 2022, créant la Cour pénale internationale et mettant en place un système juridictionnel reposant sur la coopération et la complémentarité entre les Etats parties et la Cour. Plus particulièrement, ce mécanisme permet à un Etat de poursuivre et de juger les auteurs de crimes les plus graves tels que les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, quel que soit le lieu où le crime est commis et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes. Cet outil juridique est donc l’une des méthodes les plus efficaces pour dissuader et prévenir les crimes internationaux car il augmente les chances de poursuite et de condamnation des auteurs de ces crimes.
Si la France a été pendant longtemps moteur dans l’utilisation de cette compétence, elle a en 2010 élargi la compétence territoriale de ses tribunaux pour ces crimes commis hors de son territoire. Prévu à l’article 689-11 du code de procédure pénale, la compétence universelle a toutefois été assortie de conditions restrictives qui, dans les faits, empêchent son effectivité. La loi du 23 mars 2019 a permis d’obtenir des premières avancées avec la suppression de l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales françaises et la Cour pénale internationale ainsi que la suppression de la double incrimination pour le génocide. Néanmoins, son utilisation reste toujours impossible en pratique.
Trois conditions demeurent autour de ce mécanisme :
Compte tenu de l’importance de la compétence universelle dans la répression et la lutte contre les crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du génocide, cette proposition de loi vise à permettre sa plus grande effectivité sur le territoire français. Je considère en effet, que la France a toujours joué un rôle déterminant pour la promotion des droits de l’Homme et la lutte contre l’impunité et elle ne doit ni affaiblir son rôle dans la justice internationale ni sa crédibilité en devenant un refuge d’impunité pour les criminels internationaux. Certains de nos Etats voisins comme l’Allemagne force le courage en utilisant cette compétence pour juger des criminels Syriens. Nous devons suivre cet exemple pour l’avenir notamment au regard des crimes qui se déroulent actuellement en Ukraine.