Alors que près d’1,2 millions de personnes en France subissent au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe chaque année, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) estime que les actes antisémites ont bondi de 1 000% après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 en Israël, la justice peine parfois à pleinement condamner les auteurs pour incitation à la haine et désinformation. C’est le cas pour Alain Soral, polémiste d’extrême droite, plusieurs fois condamné pour provocation à la haine, mais qui continue d’échapper à l’incarcération puisque les juridictions ne peuvent émettre un mandat d’arrêt pour ce type d’infraction.
En l’état du droit, il est uniquement possible de décerner un mandat d’arrêt en cas de délit de droit commun ou délit d’ordre militaire et si la peine prononcée est d’au moins une année d’emprisonnement. Cette situation laisse la porte ouverte à la délivrance de messages de haine et au développement du complotisme.
En effet, l’article 1er de la proposition de loi prévoit la possibilité de délivrer un mandat d’arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné pour des propos racistes ou antisémites. Le texte élargit la situation actuelle en faisant entrer dans le champ du mandat de dépôt ou d’arrêt deux nouvelles infractions : l’apologie de crimes contre l’humanité ou crime de guerres ainsi que la contestation des crimes contre l’humanité. Si ces infractions sont commises à l’étranger ou si les auteurs ne résident pas en France, le texte prévoit l’option de délivrer un mandat d’arrêt européen ou international.
Partant du principe que le caractère non-public d’un propos ne justifie pas de différence de traitement dans le domaine judiciaire, la proposition de loi s’intéresse aussi aux infractions d’injures, de diffamations et de provocations à la haine raciste non-publiques. Elle propose de correctionnaliser ces infractions, c’est-à-dire de les considérer désormais comme de véritables délits. Elle prévoit une circonstance aggravante lorsque l’infraction est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (article 2).
Les commissaires aux lois ont décidé d’adopter la même rédaction concernant les délits de provocation à la haine, de diffamation ou d’injure non publiques à caractère LGBTphobe. Une partie des mesures sont par ailleurs issues des recommandations du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations élaboré par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).
Concernant la procédure judiciaire, l’article 2 quater prévoit la possibilité pour certaines associations antiracistes et anti-discriminations d’ester en justice pour les infractions prévues par l’article 2. Un stage spécifique de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations pourra désormais être prononcé par la juridiction lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement (article 2 bis).
En commission des lois, les députés ont établi les délits d’apologie et de contestation non-publiques de crimes contre l’humanité à l’article 3.
Enfin, depuis plusieurs décennies maintenant, le terme de « race » tend à disparaître progressivement des textes. L’article 4 poursuit cette démarche en le substituant par les termes de « prétendue race » ou par la notion « d’appartenance vraie ou supposée ».